Ça y est! Le FTA investira la métropole à partir de mercredi. La Presse s'est entretenue avec l'Allemand Thomas Ostermeier, metteur en scène d'Un ennemi du peuple, qui ouvrira le festival, et la Sud-Africaine Robyn Orlin, chorégraphe du coloré Beauty remained...

Chorégraphe sud-africaine de renom, Robyn Orlin fera rayonner la beauté africaine au Monument-National jeudi soir grâce à sa nouvelle création présentée à Montréal dans le cadre du Festival TransAmériques.

Elle a, par le passé, évoqué le fléau du sida ou encore rendu hommage à Sarah Baartman, Vénus noire exposée comme un phénomène de foire aux Européens du XIXe siècle. Robyn Orlin frappe cette fois-là où on ne l'attend pas, avec une pièce pour huit danseurs de la compagnie Moving Into Dance Mophatong sur le thème de la beauté. Beauty remained for just a moment then returned gently to her starting position... se décline à travers les multiples merveilles des rues de Johannesburg, ville natale de Robyn Orlin, de la luminosité du ciel sud-africain au chariot brillant de mille feux de Solly le sans-abri.

«L'un de mes coproducteurs est collectionneur d'art africain et est un véritable amoureux du continent. Fatigué de ne voir que des choses sur la pauvreté, la guerre, les cicatrices de la colonisation ou le sida, il m'a proposé de travailler sur quelque chose de positif, comme la beauté du continent africain. Il s'attendait sans doute à ce que je parle des montagnes, des parcs naturels et des lions ! Mais ce n'est pas mon expérience de l'Afrique du Sud. J'ai surtout expérimenté l'ingéniosité et la beauté avec les gens ou à travers de simples choses comme le soleil», explique la chorégraphe.

Pour Robyn Orlin, la beauté africaine réside avant tout dans le positivisme et les mécanismes de survie des peuples du continent. Des vertus que l'on retrouve notamment par l'utilisation au quotidien du recyclage.

«En Afrique, le recyclage est quelque chose de très important. Ce n'est pas facile de se procurer du neuf. À Johannesburg, il y a un vieil homme zoulou appelé Solly qui vit dans la rue. Il m'a toujours fasciné. C'est un artiste et un vrai survivant qui passe ses journées à arpenter les rues avec un chariot d'épicerie magnifiquement décoré avec des CD ou d'autres objets brillants. C'est à couper le souffle comme c'est beau et c'est ce qui m'a vraiment le plus inspiré», précise Robyn Orlin.

La chorégraphe a également fait appel à Marianne Fassler, une designer sud-africaine de renom pour créer les costumes entièrement faits de matières et d'objets recyclés.

«Les trois danseuses sont des déesses du recyclage et portent notamment des robes en crochet faites de sacs-poubelles. C'est très joli et on ne devinerait jamais en quoi elles sont faites!», dit-elle, amusée. Des costumes délirants inspirés des us et coutumes des tribus Surma et Mursi, dont les femmes se parent de peintures corporelles et d'ornements boisés, végétaux et animaux d'une grande excentricité.

Au cours de la soirée, attendez-vous à être surpris et à participer au spectacle. Les danseurs pourraient bien vous surprendre en vous empruntant quelques objets vous appartenant.

«J'ai appris il y a longtemps que si tu n'as pas un bon sens de l'humour, tu ne vas pas rendre ce que tu fais intéressant. Je travaille toujours avec humour, c'est la meilleure manière de passer mon message. Ce que je veux: que le public soit touché et qu'il comprenne que le continent africain est aussi beau que complexe, pas seulement un continent violé par l'Occident et qui lui a survécu», précise Robyn Orlin.

La chorégraphe engagée de 60 ans, travaille actuellement sur sa prochaine création avec une compagnie masculine et abordera cette fois le corps, un sujet encore tabou en Afrique. «On aurait moins de violence ou de viols si on en parlait plus sur le continent», conclut-elle.

- Stéphanie Vallet

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Thomas Ostermeier / Un ennemi du peuple

Un ami qui vous veut du bien

Le directeur artistique de la réputée Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier, sera à Montréal cette semaine pour présenter sa pièce Un ennemi du peuple, qui ouvre le Festival TransAmériques le 22 mai. La Presse s'est entretenue avec lui.

Créée au Festival d'Avignon l'été dernier, l'adaptation de cette pièce écrite par le Norvégien Henrik Ibsen en 1882 ne pourrait être plus actuelle. Avec notre commission Charbonneau qui nous renseigne tous les jours sur la corruption qui gangrène nos administrations publiques, la pièce d'Ostermeier arrive à point nommé.

La prémisse d'Un ennemi du peuple: le Dr Stockman, un scientifique d'une station thermale, constate que l'eau municipale est polluée par une tannerie. Mais son frère, qui est le maire de cette ville, veut éviter des conséquences économiques désastreuses pour la ville. Par conséquent, il fait tout pour taire le scandale.

Vous avez monté au moins six pièces d'Henrik Ibsen, dont Une maison de poupéeHedda Gabler et Les revenants. Qu'est-ce qui vous attire tant chez ce dramaturge?

Pour être honnête, je ne suis pas un grand fan d'Ibsen. Je préfère Shakespeare. Mais Ibsen nous fournit toute une galerie de personnages issus de la société bourgeoise qui se transposent facilement dans nos sociétés contemporaines. Il décrit bien les rapports sociaux de la bourgeoisie à laquelle nous appartenons. Ses intrigues sont aussi extrêmement bien construites. Les gens pensent voir un classique du XIXe siècle alors qu'Ibsen décrit un monde très contemporain.

Un ennemi du peuple évoque une lutte entre la recherche de la vérité et la nécessité économique. C'est ce qui vous intéresse?

Oui, bien sûr. La plupart des pays du monde sont aujourd'hui soumis à la dictature du marché. L'économie a pris le pouvoir. L'État et la politique n'ont plus le même poids dans l'exercice du pouvoir. Cette pièce d'Ibsen montre comment les questions politiques sont menacées par les intérêts économiques. La vérité concernant la pollution des eaux municipales est menacée par l'intérêt du maire, des propriétaires, des promoteurs et des hommes d'affaires de la municipalité. Et à la fin, c'est la majorité qui va écraser la minorité.

Comment le Dr Stockman finit-il par devenir un ennemi du peuple? Qu'est-ce qui déclenche la réaction de la population?

Ceux qui sont au pouvoir manipulent l'opinion publique. C'est comme ça qu'il devient un ennemi du peuple. Le personnage de Stockman devient tellement frustré de cette situation qu'il se radicalise. C'est ce qui arrive quand on n'a pas l'impression qu'on nous écoute, qu'on ne parvient pas à s'exprimer. Il remet en question le fondement même de la démocratie et de la liberté d'expression parce qu'il se rend compte que ce sont des concepts qui sont valides jusqu'à ce qu'on rencontre ceux qui détiennent le pouvoir économique. On l'a vu avec ce scientifique anglais qui avait affirmé que l'Irak ne possédait pas d'armes de destruction massive, mais qui, devant la pression des médias et des élites, s'est suicidé.

Le public participe au débat dans la pièce. Comment ça se passe?

Durant la représentation, le personnage du Dr Stockman s'adresse directement aux spectateurs. On commence par demander aux gens de la salle s'ils sont d'accord avec ce qu'il affirme. On invite ensuite les gens à s'exprimer. À discuter de tout ce qu'on discute en ce moment, vous et moi. Ça dure aussi longtemps que les gens ont quelque chose à dire. Il n'y a pas de limites. Je suis même prêt à interrompre le reste de la représentation si la discussion devient intéressante. Une fois que la discussion est terminée, on reprend la pièce.

Quelles ont été les réactions les plus surprenantes jusqu'à présent?

Le plus étonnant, c'est que 80% des gens approuvent le discours radical de Stockman. Les spectateurs nous parlent des questions politiques de leur pays. À Melbourne, ils nous ont parlé des élections. En France, du scandale impliquant des compagnies pharmaceutiques. Tous les directeurs de festivals à qui j'ai parlé depuis qu'on promène la pièce m'ont prévenu que les gens ne participeraient pas au débat. Alors que c'est tout le contraire qui se produit. Il y a une scène où on lance de la peinture au personnage de Stockman; au cours d'une représentation à Berlin, il y a des spectateurs qui se sont levés pour le protéger!

Du 22 au 24 mai au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts.

Thomas Ostermeier est le directeur artistique de la Schaubühne à Berlin depuis 1999. L'homme de 44 ans est l'un des metteurs en scène les plus demandés en Europe. Qualifié d'enfant terrible du théâtre allemand, Ostermeier aime le théâtre qui se joue dans le sang et la boue. Son adaptation d'Hamlet est l'un des plus grands succès publics de la Schaubühne. Outre les pièces d'Henrik Ibsen, il a adapté des textes de Shakespeare, Brecht, Mayenburg, Büchner, Thomas Mann et Sarah Kane. Il travaille actuellement à l'adaptation de La mouette, de Tchekhov.

- Jean Siag

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Photo FTA

Le directeur artistique de la réputée Schaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier, sera à Montréal cette semaine pour présenter sa pièce Un ennemi du peuple, qui ouvre le Festival TransAmériques le 22 mai.

À voir au Fta:

Trieste

Spectacle pluridisciplinaire créé, mis en scène et interprété par Marie Brassard

Les 25, 26 et 27 mai, à l'Usine C

Présente dans la programmation du FTA pour la cinquième fois depuis 2001, Marie Brassard crée un autre spectacle solo où se mêlent voix, musique et divers niveaux de théâtralité. Dans Trieste, elle explore à nouveau la mort et ses mystères (elle a signé la mise en scène de La fureur de ce que je pense, ce printemps, à l'Espace Go), cette fois entre légendes anciennes et mythologies contemporaines.

À propos de son processus de création, l'actrice dit : « Je n'ai pas de mandat précis ni de mode d'emploi... Je sais seulement que quelque chose doit sortir de moi et je laisse cela arriver devant le monde. Si j'avais à rédiger un manifeste, je l'intitulerais Tout peut arriver. »

In Museum

Performance de Marie Chouinard

Les 25 et 26 mai, au Musée des beaux-arts de Montréal


On connaît la chorégraphe et directrice de la prestigieuse compagnie de danse contemporaine. Or ici, Marie Chouinard offre une performance axée « sur la pensée et la communication ». Créée l'été dernier au Symposium de Baie-Saint-Paul, In Museum marque le retour de l'artiste dans une création solo. Dans un décor tout blanc, épuré, Marie Chouinard tisse une oeuvre d'art interactive en répondant aux questions ou aux souhaits formulés par des visiteurs.

Entre transe et chamanisme, sagesse et intuition, c'est l'âme de cette grande artiste qui s'exprime.

- Luc Boulanger

Photo FTA

Créée l'été dernier au Symposium de Baie-Saint-Paul, In Museum marque le retour de l'artiste dans une création solo.