Parcourir le chemin du Roy, c'est partir à la découverte de villages pittoresques dispersés le long du fleuve, entre Montréal et Québec. Sur cette route plus que bicentenaire, qu'on connaît de nom mais qu'on prend trop peu le temps d'explorer, subsistent de nombreuses traces du passé qui sont autant de prétextes pour s'arrêter... et contempler le paysage.

Pour le visiteur qui a tout son temps, emprunter le chemin du Roy entre Montréal et Québec équivaut à suivre les traces d'un chemin historique dont certains tronçons originels remontent à aussi loin que 1737.

Bon nombre d'antiquaires et de brocanteurs ont désormais élu domicile sur cette route sinueuse, parsemée de vergers et de terrains agricoles, le long du fleuve, à laquelle se superpose la 138 par endroits.

Première route carrossable en Nouvelle-France, cette voie a subi dès ses premières années de nombreuses déviations, notamment pour éviter des zones inondables qui suivaient de trop près les rives du fleuve Saint-Laurent.

«À la fin du XVIIIe siècle, le chemin du Roy avait déjà subi quatre déviations à la hauteur de Yamachiche, Louiseville, Maskinongé et Saint-Barthélémy à cause des risques d'inondations. Il fallait assurer le transport régulier de la poste», explique l'historien et géographe Christian Morissonneau, spécialiste du chemin du Roy.

À l'époque, on devait notamment avoir une certaine forme physique pour faire le voyage entre Québec et Montréal, souligne l'historien. «On était secoué sur ces chemins de terre. Le voyage durait deux ou trois jours. On passait une nuit à Trois-Rivières et on changeait de chevaux jusqu'à une vingtaine de fois.»

Aujourd'hui, en quelques heures, on peut retracer environ 90% des 250 km du chemin historique en suivant les panneaux de signalisation bleus ornés d'une couronne, qui identifient la vieille route, précise-t-il.

Même s'il a bien entendu été asphalté plusieurs fois depuis, le chemin a conservé son tracé d'origine à certains endroits assez inattendus, comme par la rue Notre-Dame, à Repentigny. 

À la sortie de Berthier, en direction est, à l'ouest du chenal du Nord, un tronçon originel, encore en terre battue, existe à ce jour en plein champ, entre des terrains privés. «Comme il a été cadastré "chemin public", les cultivateurs n'ont jamais pu y toucher», explique M. Morissonneau.

À la recherche du chemin du Roy  

Gilles Matte et Geneviève Auger ont parcouru le chemin du Roy pendant plus de deux ans afin d'illustrer cette route historique, à l'aide de textes et d'aquarelles, dans leurs Carnets du chemin du Roy.

L'architecte et sa femme, une passionnée d'histoire qui travaillait au Musée de la civilisation à Québec, ont consulté des cartes anciennes pour tenter de comprendre l'origine du chemin sur lequel ils ont construit leur maison, il y a 35 ans, au bord du fleuve à Saint-Augustin-de-Desmaures.

«Il y a des villages où il ne reste plus de traces du vieux chemin. Plus on s'approche de Montréal, moins on en trouve», déplore Gilles Matte.

«Pendant une longue période, on a oublié le chemin du Roy, ajoute Geneviève Auger. Lorsqu'il a été tracé, il était tributaire du fleuve. Puis il est devenu tributaire du chemin de fer. Et quand l'automobile est arrivée, ça a été un chambardement total. L'appellation a même disparu à une certaine époque, puis c'est devenu la route 2 [dans les années 20], avant que le chemin ne soit inauguré route touristique en 2004.»

Au début du XIXe siècle, le chemin du Roy a même dû faire face à la concurrence du transport par bateau à vapeur - du moins pendant l'été, lorsque le fleuve était facilement navigable. Mais le plus grand «concurrent» du chemin du Roy demeure l'autoroute, affirme Christian Morissonneau.

Photo François Roy, La Presse

Voilà l'emplacement idéal pour une halte au bord de l'eau à Lanoraie, que ce soit pour s'offrir un moment de détente avec vue sur le fleuve ou même un pique-nique si le temps le permet. 

Photo François Roy, La Presse

Le moulin seigneurial de Pointe-du-Lac s'impose sur la route avec ses murs qui portent plus de deux siècles d'histoire, son vieil escalier en pierre et sa chute d'eau, derrière la beurrerie. 

Une corvée à la fois 

Entièrement aménagé en vertu du système de corvées, le chemin du Roy a été bâti par les habitants des seigneuries, chacune d'entre elles étant chargée de tracer son tronçon de route. Les riverains devaient donc fournir leur temps gratuitement afin de remplir cette commande du roi.

«Tous les chemins publics s'appelaient des chemins du Roy en Nouvelle-France, mais celui-ci a gardé son nom parce qu'il était le premier entre Québec et Montréal. Les chemins étaient parallèles au fleuve, alors que les routes y étaient perpendiculaires», précise Geneviève Auger. 

À l'époque où le chemin du Roy était la seule route terrestre entre les deux villes, Québec était un port aussi important que New York ou Boston, contrairement à Montréal. «On trouve encore une inscription à la porte Saint-Jean, à Québec, qui dit que le chemin commence à cet endroit», explique Gilles Matte.

Lors d'un prochain voyage Québec-Montréal, l'historien Christian Morissonneau suggère fortement de quitter la voie rapide et de prendre son temps pour découvrir le chemin du Roy. «Il reste mal connu. Moi, je l'ai "quasiment marché", comme on dit. Passé Trois-Rivières, en direction de Québec, c'est un enchantement», estime-t-il.

Pourquoi le chemin du «Roy»? 

Lorsqu'il a été déclaré route touristique, en 2004, le chemin du Roy a conservé l'orthographe du XVIIIe siècle - d'où l'épellation « Roy » - pour désigner le souverain français à l'origine de sa construction.

À lire pour s'inspirer 

Carnets du chemin du Roy, Gilles Matte (aquarelles) et Geneviève Auger (textes)

Éd. Les heures bleues, 142 p.

Photo François Roy, La Presse

Le magasin général Le Brun, à Maskinongé, est un véritable musée d'antiquités où l'on peut en plus se procurer des produits du terroir. La salle de spectacle L'Grenier, à l'étage, mérite à elle seule un arrêt, ne serait-ce que pour admirer ses meubles et ses orgues antiques.