Hier symboles de l'automobile toute puissante, aujourd'hui lieux de détente et de loisirs, les berges des grands fleuves européens offrent désormais un peu d'oxygène à des grandes villes surchauffées l'été en retrouvant un usage récréatif et touristique.

La Seine, entourée des somptueux monuments parisiens, le Danube, où les Viennois aiment à venir faire trempette, la Vistule à Varsovie ou la Manzanares à Madrid sont redevenus des lieux de promenade très courus.

«Dans l'ensemble de ces villes, la présence d'eau sert d'aimant. Le désir était déjà là et ne demandait qu'à être suscité», observe la géographe Maria Gravari-Barbas, auteure d'une étude sur la reconquête des fronts de fleuve urbains. «On ne compte plus le nombre de fêtes et festivals qui ont comme décor, voire comme raison d'être, une portion urbaine d'un front de fleuve. Comme si la présence de l'eau était en soi le prétexte pour faire la fête, pour s'y rassembler», constate-t-elle.

À Vienne, où l'on a l'habitude de se baigner dans le Danube depuis plus d'un siècle, l'île Donauinsel, créée dans les années 70 et 80, accueille chaque année sur trois jours un festival de musique très prisé.

«Ici, il n'y a pas la mer, mais on a la Donauinsel! L'été, c'est génial pour se détendre ou faire du sport», se réjouit Claudio, un étudiant italien de 28 ans, originaire de la région de Vérone.

Paris fut pionnière dans ce bouillonnement. Chaque été depuis 2002, les rives de la Seine se transforment en une immense plage éphémère, de la mi-juillet à la mi-août. Pour Paris-Plage, on amène des tonnes de sable, des transats et des parasols. On s'y fait bronzer en bikini ou en short de bain, se rafraîchit sous des brumisateurs géants. Les enfants font des châteaux de sable ou gravissent des murs d'escalade.

La fête plutôt que l'auto

Pour le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, Paris-Plage a sonné le début d'une reconquête des berges de la Seine. Dix ans après, il vient d'inaugurer une promenade piétonne permanente sur la rive gauche du fleuve, reprise à la circulation sur 2,3 km au pied la tour Eiffel.

Si l'opposition de droite et les associations d'automobilistes ont lutté contre le projet, prédisant des embouteillages monstres dans la capitale, les critiques se sont rapidement tues.

Dans ce retour à l'eau, Jean-Pierre Gautry, président d'honneur de la Société française des urbanistes, voit la fin «d'une grande parenthèse liée à l'automobile» qui «avait coupé la vie des populations par rapport aux fleuves», le coeur des villes «depuis des siècles».

Le phénomène est général en Europe. Les rives de la Manzanares, longtemps ignorées en contrebas de Madrid, ont été aménagées en 2011 dans le cadre d'un vaste projet baptisé Madrid Rio. Une coulée verte de 8 km a été tracée, 25 000 arbres plantés, et 30 km de pistes cyclables ouverts.

À Berlin, la Spree fait partie intégrante de la vie nocturne avec de nombreux clubs sur ses berges, notamment à Kreuzberg et dans les quartiers branchés de l'ancien Berlin-Est. Une partie du fleuve reste cependant le théâtre d'un bras de fer entre investisseurs et un lobby d'opposants réclamant une «zone verte».

À Varsovie, les rives de la Vistule sont redevenues un endroit à la mode depuis les années 2000. Le jour, les plages sont occupées par les amateurs de bains de soleil. Les feux de bois pour les grillades, autour desquels les fêtards dansent et chantent, les font briller tard dans la nuit.