Une tonne de sel par an. C'est ce que Pacini s'apprête à enlever du menu de ses 26 restaurants. Cela équivaut à 24% du sodium actuellement utilisé dans ses sauces à pâtes et à pizza ainsi que dans ses vinaigrettes.

Frédérick St-Aubin, chef exécutif de Pacini, a orchestré ce changement dans le cadre du programme volontaire d'amélioration Melior. «Au départ, ça ne me tentait pas du tout, a-t-il admis à La Presse. C'est énorme, le sel, pour un chef.»

Le fournisseur de Pacini a d'abord eu la commande d'enlever 10%, 20% et 30% du sel de ses sauces, sans modifier la recette. Échec: ça n'avait pas bon goût. «On a décidé de revenir à l'authenticité, en retirant une bonne partie des ingrédients», a expliqué M. St-Aubin.

Le glutamate monosodique (un rehausseur de goût) est parti, comme plusieurs allergènes (soja, sulfites, blé, etc.). Même le porc haché, que certains clients évitent pour des raisons religieuses, a été retranché. «On a ensuite ajouté plus de tomates, plus de vin dans la sauce bolognaise, plus de carottes, d'oignons, on a grossi le grain de la viande hachée, a expliqué le chef. On prend de l'ail frais, plutôt que de l'ail en huile, pour plus de saveur.»

Au final, la sauce bolognaise de Pacini contient 210 mg de sodium de moins qu'avant. Ses 870 mg de sodium par portion équivalent à 38% du maximum tolérable qu'un adulte peut consommer par jour. Avec l'ancienne formulation, ce taux atteignait 47%... La sauce Napoletana, une simple sauce aux tomates et aux poivrons, a quant à elle perdu 42% de son sodium.

Les nouvelles recettes seront offertes graduellement, d'ici la fin du mois d'août. «On est très confiants», a dit M. St-Aubin. Pourtant, les pennes de blé entier, offertes par Pacini depuis l'automne dernier, ne sont choisies que par 2% des clients.

Éviter 23 500 cas de maladies cardiovasculaires

Les Canadiens consomment beaucoup trop de sel: 3400 mg de sodium par jour, soit plus du double que ce qui est nécessaire. Selon un rapport provincial et territorial sur le sodium paru en 2012, «réduire l'apport moyen en sodium alimentaire au niveau recommandé réduirait l'incidence de l'hypertension de 30%, permettrait d'éviter 23 500 cas de maladies cardiovasculaires et réaliserait des économies directes de 1,38 milliard par an en soins de santé au Canada».

Santé Canada a pour objectif de réduire l'apport moyen en sodium des Canadiens à 2300mg par jour d'ici 2016. Un défi d'autant plus vaste que rien n'oblige les industriels à agir. «Toutes les mesures de réduction du sodium sont volontaires, a dénoncé Bill Jeffery, coordonnateur du Centre pour la science dans l'intérêt public. Le gouvernement fédéral dit que l'industrie fait un bon travail, mais il ne compile même pas d'informations sur les réductions de sodium. Comment le sait-il?»

La lutte contre le sel n'est pas gagnée

«Des données préliminaires indiquent que l'approche volontaire de réduction du sodium fonctionne, a fait valoir Leslie Meerburg, porte-parole de Santé Canada. Des données recueillies en 2011 à partir d'un échantillon représentatif de pains, de céréales à déjeuner et de soupes en conserve révèlent que les teneurs en sodium ont été réduites d'environ 10% dans l'ensemble pour ces catégories de produits, depuis 2009.» C'est l'équivalent du tiers de la réduction nécessaire pour atteindre les cibles en 2016.

La lutte contre le sel n'est pas gagnée. Seuls 10 des 40 fabricants d'aliments sondés par Agriculture et Agroalimentaire Canada en 2011-2012 respectaient les cibles provisoires de réduction du sodium dans 25% ou plus de leurs produits. Et plus de la moitié des entreprises sondées «ont mentionné qu'elles ont des produits dont elles ne reformuleront pas la recette pour en réduire la teneur en sodium».