L'été se termine doucement, avec ses soirées paisibles sur les terrasses à siroter du bourgogne nature et des twist shandy nouveau genre, à profiter de la manne potagère qui nous ensorcelle en ce moment béni. Tomates, poivrons rouges, maïs exquis. La saison du barbecue à toutes les sauces, elle, s'étirera un peu dans l'automne. Mais les guimauves et le feu de plage se feront de plus en plus rares.

Dans cette famille dont une partie substantielle a passé l'été en colonie de vacances, le retour se fait sur un fond de nostalgie pour de la cuisine rustique. De la cuisine grillée sur le bois, remplie de simplicité et de parfums de fumée, un peu façon Francis Mallmann (le géant du feu argentin), un peu façon scout, plus terre à terre.

C'est en mettant tous ces ingrédients ensemble que nous nous sommes laissés porter récemment par des souvenirs de cochon fumé de l'un de nos campeurs pour nous retrouver chez Moonshine Barbecue, un nouveau restaurant spécialisé dans la cuisine fumée, qui a ouvert il y a quelque mois sur le boulevard Décarie, près de Côte-Sainte-Catherine.

Qu'on se le dise: ceci n'est pas un haut lieu de design. Même si les jeunes propriétaires ont pris soin d'accrocher des lampes en pot Mason, d'arracher le vieux gyproc pour dégager l'espace, de mettre des conserves maison sur un mur pour un peu de chaleur, au-delà des demi-murs en fausses briques héritées des anciens propriétaires, cet écrin n'a pas l'air encore terminé. Mais les tables toutes simples avec nappes à carreaux rouges et blancs façon dinette campagnarde, accueillent des repas fort sympathiques.

Chez Moonshine, on ne fait pas le service aux tables. On va au comptoir pour lire à l'ardoise ce qui a été cuisiné ce jour-là sous la houlette du chef Shawn Dascal: briskets, porc effiloché, côtes levées, poulet fumé. On commande et on vient ensuite nous livrer le repas à table. Il y a de quoi boire, mais pas de carte de vin, plutôt quelques bouteilles de bière, incluant une variété jamaïcaine.

Comme nous étions une famille de six personnes, nous avons choisi le plat familial géant, le Champion, une sorte de sélection d'un peu de tout, livrée dans une immense lèchefrite où l'on se sert à la bonne franquette.

La première chose qui frappe dans cette orgie de nourriture c'est qu'elle coûte 54$ et a copieusement nourri quatre ados pour ensuite se retrouver dans notre frigo, à la maison, sous forme de «doggy bags» qui ont constitué quelques lunchs scolaires.

Les appétits d'ogre sont donc bienvenus.

Dans cet immense plat, il y avait pratiquement tout un poulet fumé, plusieurs côtes levées, de la saucisse maison et plusieurs tranches de briskets (de la poitrine de boeuf).

C'est cette dernière viande qui m'a plus ou moins ravie, un peu sèche, un peu grise, alors que tout le reste était rempli de joie, de fumée, de goût. Bravo pour les saucisses goûteuses et juste assez épicées, pour le poulet tendre à souhait et encore bien juteux, pour des côtes levées à la sauce barbecue maison qui fondent en bouche. Le seul défaut du chef est peut-être d'aimer un peu trop le vinaigre et d'en mettre copieusement dans une des sauces pour les côtes - qu'on n'a qu'à éviter, cela dit, si le goût ne nous convient pas - et dans le chou braisé qui manque de rondeur. On est dans un registre «soul food», de verdure amère, j'en conviens, mais l'accent sur l'acidité manque d'élégance.

Pour le reste, on se régale. Légèrement pimenté et perdu dans le bon cheddar, le macaroni peut devenir un repas en soi.

Les croquettes de pommes de terre sont absolument amusantes, bien croquantes, bien chaudes, elles fendent sous la dent en dansant et proposent une approche plus aérée que les pommes frites classiques. Les frites de patates douces sont aussi au poste, avec toute leur profondeur sucrée, soeurs supérieures des allumettes traditionnelles, tellement plus soyeuses et complexes.

Pour le dessert, il faudra attendre encore un peu. Les gars n'ont pas mis au point leurs recettes et proposent en attendant des cupcakes préparés par une amie, à l'extérieur. Bientôt ils auront leur propre menu.

Ce restaurant a un peu l'air d'un chantier en évolution quand on y arrive, et c'est le cas. Un petit peu plus de déco pourrait sceller le style, un peu plus de desserts au menu et un peu plus de bons petits vins sur la carte aussi.

Mais l'enthousiasme sincère des propriétaires nous fait oublier le manque de finition et donne envie d'y retourner. Pour nourrir des ados aux estomacs sans fond à prix abordable, avec de la bonne nourriture savoureuse préparée à l'aide d'ingrédients de qualité et qu'ils aiment, voilà résolument une des bonnes adresses en ville.

Moonshine Barbecue

5625, boulevard Décarie, Montréal

514-508-5511

www.moonshinebbqmtl.com

> Prix: Un immense plateau de nourriture rempli de côtes levées, de saucisse, de poulet fumé, de poitrine de boeuf, de chou, de macaroni au fromage, de frites de patates douces et de croquettes de pommes de terre, qui nourrit aisément une famille de six:  54 $.

> Carte de vin: On accompagne la viande fumée d'un peu de bière ou de boissons gazeuses parfois surprenantes.

> Service: Minimaliste. On commande au comptoir. On s'assoit. On puise dans des paniers de couverts et de serviettes.

> Atmosphère: De la musique rock, du blues, un décor hyper simple... On est à l'antithèse de la coquetterie ou du faux rétro trop recherché. Le lieu pourrait profiter d'un peu plus de finition, mais il doit garder son côté «no bullshit».

(+) Une nourriture rustique de qualité, offerte à des prix très raisonnables.

(-) La déco un peu trop brute. Et l'absence de dessert à la hauteur de tout le reste de la cuisine.

On y retourne? Oui, avec des ados. Un des bons rapports qualité-prix en ville pour la famille.

Photo Olivier Jean, La Presse

Chez Moonshine, on ne fait pas le service aux tables. On va au comptoir pour lire à l'ardoise ce qui a été cuisiné ce jour-là.