C'est maintenant chose faite : Marie Saint Pierre a son pied-à-terre aux États-Unis. Mais plutôt que d'avoir fait le choix logique de New York, la designer a plutôt été séduite par Miami pour l'ouverture de sa première boutique au pays de l'Oncle Sam.

C'est sur l'effervescent quartier du Wynwood Art District que Marie Saint Pierre a jeté son dévolu pour installer sa première boutique en sol américain. Un endroit où le design et l'art se rencontrent à tous les coins de rue, en phase avec la personnalité de la designer - qui a fondé son entreprise de vêtements pour femmes, la Maison Marie Saint Pierre, il y a plus de 25 ans.

« Cela fait certainement cinq ou six ans que je réfléchis à ouvrir une boutique aux États-Unis. C'est une norme d'avoir un "flagship store" dans un pays où on a beaucoup de points de vente. Mais à l'époque, je me concentrais sur New York... un choix logique et pas trop loin de Montréal. Je me demandais où j'irais, dans quel quartier, mais je n'arrivais pas à me décider sur un lieu... et les prix sont exorbitants ! », explique Marie Saint Pierre, qui prévoit une belle expansion pour sa marque aux États-Unis en 2016.

Miami est une ville que la designer a toujours aimé fréquenter lorsqu'elle était plus jeune - particulièrement South Beach -, mais qu'elle a délaissée un peu après la crise immobilière. « C'était bien triste d'y aller. Et puis, les affaires ne m'amenaient pas là non plus, puisque je suis une marque plutôt nordique. »

C'est son mari - qui travaillait sur un projet de travaux civils à Miami - qui lui a mis la puce à l'oreille sur le renouveau qui est en train d'agiter la mégapole. « Il était là presque toutes les semaines et il m'a dit : "Viens voir ce qui se passe à Miami !" C'est un peu comme ça que j'ai renoué avec la ville. Je suis allée me promener dans le Design et le High District, et j'ai senti que quelque chose se passait ici », raconte celle qui est reconnue pour ses vêtements haut de gamme très design, mais aussi techniques et fonctionnels.

Marier mode et art

C'est finalement sur le Wynwood Art District que le choix de Mme Saint Pierre s'est arrêté. Un quartier où se côtoient l'art de rue, les galeries d'art et les restaurants, développé par Tony Goldman, l'idéateur derrière les quartiers Soho à New York et South Beach à Miami. Bien qu'encore confidentiel, Wynwood est en pleine expansion, croit la designer, qui a été la première à ouvrir une boutique de luxe consacrée à la mode dans le quartier, en mai dernier.

PHOTO FOURNIE PAR MARIE SAINT-PIERRE

Devanture de la boutique de Marie Saint Pierre, à Wynwood, Miami.

Malgré cette expansion, la Maison Marie Saint Pierre demeure une marque profondément montréalaise, puisque tous les vêtements sont conçus et fabriqués à Montréal. L'entreprise s'est d'ailleurs récemment installée dans d'immenses studios de 12 000 pi2, dans le quartier Chabanel à Montréal.

Une antenne dans le Sud

L'idée d'avoir une antenne dans le Sud a charmé la designer. « Cela me rapproche d'un marché que je ne touchais pas du tout : l'Amérique du Sud, et le Mexique, qui est un gros marché. C'est énorme, notamment du côté des produits de luxe. Cela me donne également accès aux riches États du Sud comme le Texas, puis la Californie. Miami est vraiment une plaque tournante internationale. »

Cela sans compter le fait que Miami est une ville cosmopolite, ouverte sur le monde. « Il y a ici une grande vie de socialite, les gens qui vivent ici viennent de partout : des Sud-Américains, des Américains de partout au pays, des Européens. Et Miami est vraiment un lieu accueillant pour une entreprise, contrairement à New York », constate celle qui a ouvert officiellement sa boutique le 14 novembre avec une soirée réunissant un gratin de personnalités, comme la mannequin et blogueuse Jenny Lopez et l'artiste québécois Marc Séguin, qui a créé une oeuvre spécialement pour l'espace (voir onglet suivant).

Atténuer sa nordicité

Vivre dans le Sud, dans un endroit foisonnant où les arts sont omniprésents, a amené chez Marie Saint Pierre une nouvelle vision de sa marque. Comprendre : atténuer sa nordicité. Un changement qui se devine dans la collection printemps-été 2016, qui se pare de couleurs estivales comme le rose tendre et le vert menthe, mais qui s'affiche plus fortement dans sa collection automne-hiver 2016-2017, que la designer vient tout juste de finaliser.

« J'ai toujours fait du quatre saisons, mais en gardant une forte influence nordique. Dans cette collection, sans me dénaturer, il y a une place qui est réservée à des pièces qui ne sont pas du tout hivernales. C'est adapter mon travail, mais en subtilité. Miami m'amène à repenser mes couleurs, à penser différemment, pour m'adresser à une clientèle internationale qui peut porter mes morceaux même lorsqu'il fait 35 degrés Celsius dans la rue ! »

La boutique phare Marie Saint Pierre est située au 2311 NW 2nd Avenue, à Miami.

La pin-up et l'orignal

Férue d'art, Marie Saint Pierre a demandé à l'artiste visuel québécois Marc Séguin de créer une oeuvre spécialement pour sa boutique. Cette dernière, affichée bien en vue dans la vitrine, intrigue les passants, qui peuvent l'admirer en marchant devant la boutique. Explications.

PHOTO FOURNIE PAR MARIE SAINT-PIERRE

La toile signée Marc Séguin est affichée bien en vue dans la boutique de Marie Saint-Pierre.

L'oeuvre

Marc Séguin est un ami de la famille Saint Pierre, et un artiste québécois particulièrement prisé aux États-Unis. Le choix allait donc de soi pour la designer, qui n'a donné aucune consigne à l'artiste. Marc Séguin a médité sur le projet six mois avant de livrer cette toile d'un mètre et demi sur deux mètres.

L'orignal

Un classique nordique canadien, ici catapulté en pleine chaleur du sud des États-Unis. Une rencontre « improbable des codes de la beauté » mais qui, selon la designer, « traduit l'esprit de liberté qui règne à Wynwood ».

Le coeur

« You have such a big heart ! », susurre la jeune femme à l'animal. Le coeur peint sur l'orignal cristallise de façon ludique ce lien entre l'icône américaine et le classique canadien, et évoque la rencontre entre la designer canadienne et la culture américaine. « Ce sont des univers qui sont en contraste mais qui s'aiment, finalement ! », conclut la designer en riant.

La pin-up

Icône par excellence de la culture américaine, la pin-up s'agrippe ici à la toison de l'animal. « C'est le Nord qui rencontre le Sud ! », explique Mme Saint Pierre, qui ajoute que si l'iconographie de la pin-up peut d'abord sembler en opposition avec ses créations, le tableau rejoint les valeurs de la marque en traduisant « un rapport de force, des jeux de pouvoir qui s'inscrivent à travers la beauté, la féminité et la nature ».

La vitrine

La toile, qu'on voit de la rue par la vitrine, attire beaucoup les regards. Certains n'hésitent pas à entrer dans la boutique pour prendre un égoportrait avec cette dernière. « Les gens sont attirés par le travail de Marc Séguin ; c'est très séducteur, mais pas à un premier niveau. Il y a de l'humour, une esthétique précise qui nous rapproche. Je crois que l'image qu'on voit en vitrine, où se côtoient mes mannequins très fashion et la toile avec la pin-up et l'orignal, va devenir très représentative de Wynwood. »

En vedette à Art Basel

Le 3 décembre dernier, la Maison Marie Saint Pierre était en vedette en compagnie d'Objekt Magazine lors d'une soirée présentée dans le cadre de l'événement d'art contemporain Art Basel.

Art Basel

L'Art Basel est l'un des événements consacrés à l'art contemporain les plus courus dans le monde. Fondé en 1970, il réunit chaque année un nombre impressionnant de galeries d'art, d'artistes, de conservateurs et d'amoureux d'art de partout sur la planète, qui viennent découvrir des artistes connus et émergents des arts visuels à travers plusieurs expositions et événements spéciaux. Chaque année, l'Art Basel a lieu à trois endroits : Bâle (Basel en allemand, une ville située en Suisse), Hong Kong et Miami Beach. Établi depuis 2002 à South Beach, à Miami, l'événement est très couru et réunit 250 galeries d'art représentant près de 4000 artistes et 70 000 visiteurs chaque année.

Hôtel Mondrian

C'est au chic hôtel Mondrian, à South Beach, « un lieu extraordinaire, magnifique », selon Marie Saint Pierre, que l'événement s'est déroulé. Pour l'occasion, plus de 200 personnes triées sur le volet se sont déplacées. L'événement présentait à la fois une installation mettant en vedette la collection Habitat Maison Marie Saint Pierre, dans le hall de l'hôtel, et, près de la piscine, des projections en direct de la nouvelle campagne Printemps 2016. « C'est un grand événement pour nous d'être invités à l'Art Basel, souligne Mme Saint Pierre. On vient tout juste de s'installer à Miami. Même si on existe depuis longtemps, ici, on est une jeune marque. »

PHOTO FOURNIE PAR MARIE SAINT-PIERRE

Plus de 200 personnes se sont déplacés pour l'événement organisé par Marie Saint Pierre.

Campagne printemps 2016

Pour la campagne de la collection Printemps 2016, la designer a mis de l'avant le mouvement, ses vêtements ayant été conçus pour conférer une liberté à celles qui les portent. « Cette collection est pensée autour de l'articulation du mouvement, les vêtements sont au service de l'individu, de la mouvance. » C'est donc une danseuse new-yorkaise, Céline D'Hont de Gallim Dance, qui est l'égérie de la campagne. Les images de la campagne étaient projetées sur de grands tableaux transparents et laissaient voir, en trame de fond, la ville de Miami.

Collection Habitat

Parallèlement à ses collections de vêtements, Marie Saint Pierre travaille depuis plusieurs années sur sa collection Habitat. « J'ai eu la permission spéciale d'installer mes meubles dans le hall d'entrée. J'ai surtout installé mes poufs, et nous avons eu beaucoup de réactions positives. Tout le monde voulait les avoir ! À travers le mobilier, j'ai rencontré des architectes, toute une nouvelle clientèle. Je vois qu'il y a beaucoup de potentiel à Miami pour le côté design », détaille celle qui caresse le projet éventuel de créer une collection capsule de ses meubles à Milan.