Ouvert il y a maintenant quelques mois, le Montréal Plaza a tous les ingrédients pour être un restaurant formidable.

D'abord, il y a les copropriétaires, deux anciens piliers du Toqué !, la discrète et travaillante Cheryl Johnson et le fougueux et excentrique Charles-Antoine Crête, ancien bras droit de Normand Laprise, dont certains reconnaissent maintenant le visage puisqu'il a été un des animateurs de la série télévisée À table avec l'ennemi et qu'il a été mis en vedette, souvent peu sobrement, par le documentaire Durs à cuire.

Ensemble, ces deux chefs qui ont roulé leur bosse et ravi maints palais réunissent ce qu'il y a de mieux en savoir et en souci culinaire à Montréal. Et au Plaza, on s'approvisionne chez les meilleurs fournisseurs puisque c'est à cette école que les pilotes des cuisines sont allés.

L'autre ingrédient qui est remarquable, c'est le lieu et son designer, le grand Zébulon Perron, qui décline une nouvelle originalité éclectique dans cet espace de la rue Saint-Hubert. On s'y croirait dans une maison de campagne aérée où se côtoient horloges grand-père - sonnant aux heures -, plantes verres, tables en pin et vaisselle de porcelaine ou de verre taillé.

Ce restaurant ressort aussi du lot par la qualité du service, attentionné, professionnel. Une serviette échappée est vite remplacée, un verre d'eau n'est jamais laissé vide. On n'a pas à demander de l'attention. Elle vient à nous.

Ce restaurant, donc, qui est toujours rempli, bouillant d'activité et d'énergie, a mille qualités qui éveillent nos attentes dès qu'on y met les pieds. On a envie d'y être, de participer à ce qui s'y passe. Est-ce pour cela, peut-être, que les plats ne remplissent pas tous la mission de nous émerveiller autant qu'on l'aimerait ?

Comme dans bien des restaurants, ici, on partage des assiettes de taille intermédiaire, comme cette assiette de terrine de foie de lotte que je tenais à faire goûter à la table et qui s'est avérée peu mise en valeur par un jus au soja ponctué d'huile au piment, des rondelles de carottes croustillantes, de minuscules dés de concombre et des filaments d'oignons verts, comme si la délicatesse de cette chair onctueuse était bousculée par les autres ingrédients.

La cuisine du Plaza est difficile à définir. On sent le passé des chefs dans la grande cuisine du Toqué ! qui leur a appris à combiner créativité, technique et bons produits. C'est bien mis de l'avant dans une assiette comme la salade d'hiver où des tranches ultrafines de chou et de céleri rave sont notamment ponctuées par le sel bien goûteux de parmesan râpé et le croquant d'un peu de chapelure.

En revanche, on retrouve aussi au menu des plats néo-rustiques comme les bourgots à la bourguignonne, servis dans des plats à escargots vintage, couverts de beurre à l'ail fondu. On a juste envie de tremper des tonnes de pain brioché dans tout cela - il est impeccable d'ailleurs - et de se croire délicieusement en 1973 dans un bungalow à moquette. À ne pas oublier, toutefois, l'ajout de jus de citron vert, qui donne à la composition une jolie touche moderne acidulée.

Comment décrire l'omelette à la plancha ? C'est de loin le plat le moins intéressant et surtout le plus déconcertant au menu, puisque l'oeuf est cuit en fine crêpe, garni de moules, de tranches de saucisson, de champignons de Paris, de poudre de nori et d'oignons verts, tandis que l'assiette est barbouillée sur son pourtour de mayonnaise et de caramel d'orange sanguine.

En entendant une description aussi improbable, on se dira qu'il y aura soit de la magie, soit un brouhaha. C'est plutôt la seconde option qui s'impose puisqu'on cherche en vain dans ces éléments disparates un fil conducteur consacrant le mariage des saveurs. Et on se demande aussi pourquoi ce plat coûte 22 $.

Dernière assiette du repas aux allures de plat principal classique, le bar bien cuit est déposé sur un lit de caviar d'aubergine et accompagné d'oignon grillé, avec en marge une confiture de pamplemousse... Là encore, il y a un cercle de sirop sur le pourtour de l'assiette. Là encore, on se pose des questions. Pourquoi la cuisson n'est pas plus précise ? Pourquoi ce style de présentation un peu passé ? Pourquoi doit-on payer 32 $ ?

Le plat le plus merveilleux du repas est sans conteste le dessert aux fruits croustillant, qui répond à la fois à l'envie de se régaler généreusement et de savourer l'expertise des techniciens en cuisine. On aime le côté parfumé et acidulé de la compote de canneberge tout autant que le sorbet, et le fait que ce soit des fruits d'ici et qu'il y ait cohérence saisonnière. On aime l'onctuosité du yogourt fouetté. On aime le croquant impeccable de la fine meringue et des tuiles de jus de fruit. Bref, on aime tout et on se dit que ce restaurant serait parfait si tous les plats suivaient ce filon de précision technique et de mariage simple et impeccable de saveurs pertinentes, fraîches et franches.

Montréal Plaza

6230, rue Saint-Hubert, Montréal

514 903-6230

Prix : on recommande de prendre deux ou trois plats par personne, à des prix allant de 12 $ à 32 $ environ.

Carte de vin : belle carte de crus de qualité à prix variés.

Service : très professionnel, impeccable.

Atmosphère et décor : l'aménagement signé Zébulon Perron est éclectique et sympathique et donne un peu au lieu un style maison à la campagne. Le niveau de bruit est costaud parce que le restaurant est toujours plein, très populaire, fréquenté par toutes sortes de jeunes boomers, de X et de milléniaux urbains amateurs de bonne cuisine.

Plus : le décor, l'atmosphère.

Moins : certains plats sont brouillons, chaotiques, trop chers.

On y retourne ? Oui, mais pas tout de suite.