La vie politique a-t-elle eu raison du mariage de Pierre Karl Péladeau et Julie Snyder ? La vie de couple comporte déjà son lot de défis. Quand on y ajoute la politique et la vie publique et qu'on s'expose constamment aux critiques, il peut être plus périlleux de concilier le tout.

On se souvient du divorce de Nicolas Sarkozy en 2007. L'ancien président français avait évoqué, deux ans plus tôt, ses problèmes de couple. « Comme des millions de familles, la mienne a connu des difficultés et nous sommes en train de les surmonter », avait-il déclaré en 2005, avant de finalement divorcer de Cécilia.

Marie-Claude Barrette, animatrice de Deux filles le matin, mère de trois enfants et femme de l'ex-député et ex-chef de la défunte ADQ Mario Dumont, confie d'emblée qu'elle ne reviendrait pas en arrière. « Quand tu goûtes à la liberté, tu ne veux plus la perdre », dit-elle. 

« On est sortis usés et fatigués de la vie politique, explique-t-elle. C'est un don de soi. Ce sont des missionnaires et il y a un lot de sacrifices qui se rattachent à ça. Ça m'a pris deux ans à me défaire de l'emprise de la politique. »

Ce qu'elle trouvait le plus dur : de ne pas vivre dans la même sphère que son mari. Il était nomade, elle était sédentaire. Il était au parlement, elle était directrice d'une école de musique à Rivière-du-Loup. Quand il était chef de l'opposition officielle, il avait trois bureaux dans trois villes : Québec, Montréal et Rivière-du-Loup. « Et en plus, quand tu es chef de parti, tu te rends dans toutes les circonscriptions du Québec », se rappelle-t-elle.

Marie-Claude Barrette se souvient que l'actualité au quotidien constituait une véritable épreuve, surtout avec l'arrivée des chaînes d'information en continu, qu'elle a vécue. « Je n'imagine même pas à quel point ça doit être difficile aujourd'hui avec les réseaux sociaux, qui n'existaient pas à l'époque. Ça me tourmentait déjà beaucoup de voir passer en boucle les mauvais sondages et on porte ça toute seule. Tu veux protéger ta famille et les tiens, mais il n'y a personne qui te protège, toi. Tu es seule. »

Sous surveillance constante

Avec la multiplication des plateformes, la communication des politiciens est un travail de tous les instants. « Tout est soumis à une analyse médiatique et même citoyenne, constate Mireille Lalancette, professeure agrégée en communication sociale à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ce ne sont pas que les journalistes qui observent les politiciens, ce sont aussi les citoyens qui peuvent les filmer avec leur téléphone cellulaire et mettre des images sur internet. » 

Selon elle, il est important pour les politiciens d'avoir une image cohérente et constante. « Que ce soit à travers la télévision, les médias sociaux et les soupers spaghettis, les électeurs doivent voir que c'est toujours la même personne. Est-ce qu'on en montre trop ? Faut-il toujours alimenter la bête ? », s'interroge-t-elle. Mme Lalancette souligne qu'en politique, incarner un couple stable et montrer qu'on est bien accompagné est positif pour l'image qui joue surtout en faveur des hommes.

Savoir décrocher

Depuis 2007, Bernard Drainville est député du Parti québécois dans Marie-Victorin. L'ancien journaliste était conscient qu'en faisant le saut en politique, il prenait le risque d'y perdre son couple. 

« Dans les couloirs du parlement, on dit que dans la vie en général, c'est un couple sur deux qui se sépare, mais en politique, c'est deux sur trois, tous partis confondus, explique-t-il. Ton temps ne t'appartient plus. Il faut que tu te dises : je vais refuser d'aller à un événement pour retourner à la maison et passer du temps avec ma blonde parce que sinon, elle ne sait plus qui tu es. »

« C'est facile de s'éloigner de son conjoint dans ce tourbillon politique qui n'est pas la vraie vie », affirme Marie-Claude Barrette. Le défi est de rester équilibré. « La force de Mario [Dumont], c'est qu'il était capable de décrocher. Une fois à la maison, on ne savait même pas que c'était un politicien. »

Bernard Drainville parle d'un dilemme moral. « L'engagement politique justifie-t-il le prix à payer par ma femme et mes trois enfants [de 12, 17 et 19 ans] ? La seule façon d'y répondre, c'est de se dire que le service public est une valeur indispensable et que, d'une certaine façon, ils y contribuent parce qu'ils acceptent de moins me voir à la maison. Jamais je n'aurais pu faire le saut sans l'autorisation de ma femme Martine. C'est elle, le socle de la famille, et je ne pourrais pas faire ce que je fais présentement si elle n'était pas là. »

Quel regard le député portera-t-il sur sa vie plus tard ? « Ce qui est le plus important, c'est la famille, c'est ce qu'il va rester. Quand tu es conscient de ça, tu y tiens d'autant plus. »