L'initiative d'une députée écologiste, qui fait venir mardi l'actrice Pamela Anderson à l'Assemblée pour soutenir l'interdiction du gavage des canards et des oies pour produire du foie gras, a suscité une levée de boucliers chez les députés, y compris d'écolos.

Une initiative qui intervient alors que cette filière est frappée de plein fouet par la grippe aviaire.

L'ancienne vedette d'Alerte à Malibu, série culte des années 90, doit participer dans l'après-midi à une conférence de presse à l'invitation de la fondation Brigitte Bardot et de la députée EELV Laurence Abeille, qui veut déposer une proposition de loi pour interdire «le gavage des palmipèdes pour la production de foie gras».

L'actrice américano-canadienne de 48 ans est depuis plusieurs années une militante active de la cause animale, engagée dans des campagnes contre le port de la fourrure et du cuir ou les expérimentations animales.

Mais, dans l'esprit des députés comme des médias, qui ont assailli le service de presse de l'Assemblée pour être accrédités, elle reste visiblement associée à l'image de blonde plantureuse en maillot de bain immortalisée par son rôle de sauveteuse dans la série télé.

«La venue de Pamela Anderson, ça me gave et ça me gonfle. C'est de la politique spectacle», a réagi l'un des porte-parole du groupe PS, Hugues Fourage. «C'est le degré zéro de la politique», a renchéri le chef de file des députés LR Christian Jacob.

Dans un communiqué, le mouvement CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions) va jusqu'à écrire que Laurence Abeille «préfère les dindes gonflées au silicone aux bonnes oies gavées au maïs des Landes, du Périgord...»

Pour Mme Abeille, ce sont «des propos particulièrement choquants, sexistes, machistes, misogynes». Pamela Anderson «a un engagement fort», a estimé la députée du Val-de-Marne, pour qui «on peut continuer à très bien manger sans infliger de souffrance aux animaux».

Lors de cette conférence de presse, la fondation Brigitte Bardot dévoilera d'ailleurs les résultats d'un sondage où 70% des Français se disent opposés à ce gavage, «sachant qu'il existe des alternatives» pour produire du foie gras.

Filière menacée par la grippe aviaire

Mais, au-delà de la venue d'une vedette du petit écran, la démarche de Mme Abeille fait l'unanimité contre elle dans le contexte d'un secteur touché par la grippe aviaire.

Dans un communiqué, les producteurs français de foie gras ont dénoncé une initiative «indécente» au moment «où la survie de leur filière et de leurs exploitations est en péril».

L'épizootie a entraîné le gel de la production et le non-renouvellement temporaire des canards gras et oies dans les élevages du sud-ouest pour plusieurs mois. Cette mesure «radicale», précisent-ils, devrait coûter à la filière entre 300 et 350 millions d'euros.

Dans un courrier commun inhabituel envoyé à tous les députés, les présidents des groupes politiques PS, PRG, Front de gauche, UDI et LR, ainsi que l'ancien président du groupe écologiste François de Rugy ont dénoncé cette «initiative» comme une «double peine pour nos éleveurs» qui «méritent un soutien exceptionnel de la représentation nationale».

«C'est une attaque contre un fleuron de la gastronomie française, qui représente plus de 50 millions d'euros d'excédent commercial», a dénoncé M. Jacob, ancien dirigeant syndical agricole.

Secrétaire national du PS à l'agriculture, Germinal Peiro a critiqué «un acte totalement irresponsable» en pleine «crise sanitaire et économique». La filière «emploie actuellement 30 000 emplois directs et environ 100 000 indirects, à 75% dans le Sud-Ouest», selon ce député de Dordogne.

L'initiative de Mme Abeille n'a pas aidé à ressouder un groupe écologiste scindé entre pro et anti-gouvernement. Dans un communiqué, les défenseurs de la ligne gouvernementale ont ainsi dénoncé une proposition qui «conduirait à mettre en péril des milliers d'éleveurs d'oies et de canards» et donne «l'image d'une écologie dogmatique, prescriptive, porteuse d'interdits».

Cette annonce de dépôt d'une proposition de loi «est d'autant plus regrettable que chacun sait qu'elle n'a quasiment aucune chance d'être examinée un jour», taclent ces députés.