Il y a quelques années encore, le rosé passait pour «un sous-produit» auquel on associait un sérieux mal de tête. Mais cette image a changé et ce vin connaît chaque année plus de succès, jusqu'à devenir celui dont la consommation augmente le plus rapidement.

En apéritif ou pendant le repas, l'été dans le Midi sur fond de chant des cigales, mais aussi sur les terrasses parisiennes, et même sur les pistes de ski: le rosé gagne du terrain.

En 1992, il représentait 11% du vin vendu en grande distribution en France. Le pourcentage est passé à 20% en 2006, puis 28% en 2012, dépassant le blanc (17%, qui progresse lui légèrement) mais encore loin derrière le rouge (55%, qui stagne), selon des données de Franceagrimer.

«Contrairement au rouge, le rayon rosé est sans cesse en extension», confirme Catherine Fedrigo, responsable Vins et Champagnes à Intermarché. «On en vend toute l'année, alors que c'était un rayon qui prenait la poussière en hiver», renchérit le propriétaire de trois magasins Intermarché dans le sud-ouest, Pascal Dagès.

Quant à cet été, qui touche à sa fin: «Tout s'est très bien vendu. (...) À voir les rayons et les premiers chiffres, ça sera une bonne saison!», affirme ce dernier.

François Millo, directeur du Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP), se souvient d'«un temps très ancien» et révolu: «Il y a 20 ans, quand je suis arrivé en Provence, les vignerons n'étaient pas fiers de leur rosé. Les professionnels du vin répétaient que c'était un sous-produit (...) et même que ce n'était pas du vin».

Le rosé de Provence représente 40% de la production des rosés d'appellations d'origine contrôlée, devant les vins de Loire, selon M. Millo. Mais face au succès de ce vin, «toutes les régions se mettent à en faire», comme Bordeaux, qui fait de la publicité à la radio pour son rosé, et le Beaujolais.

Un vin cool, sans protocole

On en trouve aujourd'hui de 2 à 70 euros, selon M. Millo. Et la qualité «n'a rien à voir avec ce qu'on faisait il y a 15 ans».

«Nous notons beaucoup plus de rosés aujourd'hui qu'il y a dix ans» (324 rosés sur près de 7000 vins), explique Thierry Desseauve, dont l'influent guide Bettane et Desseauve des vins de France est sorti le 29 août. «Les techniques (de production, ndlr) ont progressé», dit-il. «Il y a encore de la médiocrité, mais certains sont très intéressants», juge-t-il. La Corse, par exemple, «c'est une région de réussite sur le rosé».

Au-delà de la qualité, ce succès est lié à un «changement de style de vie», selon le directeur du CIVP. «À l'entrée-plat-dessert, on préfère le plat unique. On s'est ouvert sur les saveurs du monde et le rosé va très bien avec tout ça!», souligne-t-il.

Le sociologue Stéphane Hugon met en opposition le rouge et le rosé. «Il y a un rituel, une sacralité autour du vin rouge. La manière dont on le boit est très codifiée: celui qui goûte doit commenter, faire état d'une espèce de compétence, ce qui peut être écrasant», estime-t-il.

«Le rosé est à l'inverse: un vin cool, qui crée une connivence. (...) On n'en attendait pas une qualité gustative, ce qui fait qu'on n'est pas dans le protocole, dans la culture de la représentation», poursuit le sociologue.

On peut d'ailleurs se permettre de le mélanger. Le rosé-pamplemousse connaît un grand succès. D'autres boissons, comme le pastis et la bière, se sont mises à cette douce couleur.

Si la France est de loin le premier producteur et consommateur de rosé dans le monde, le succès grandissant de ce vin est global. Deuxième pays consommateur, les États-Unis en boivent de plus en plus et le nombre des pays producteurs va croissant.