Milos Raonic est passé bien près de décrocher un premier titre en carrière dans un tournoi de la série Masters 1000 à la Coupe Rogers, dimanche après-midi, mais il faudra être patient avec lui, a prévenu le dernier champion canadien Robert Bédard.

«L'avenir du tennis canadien est en plein développement, mais (...) il faudra encore un certain nombre d'années avant que nous soyons présents au niveau international au même type que les meilleures nations», a dit Bédard, qui avait remporté les Internationaux du Canada en 1955, 1957 et 1958.

Même s'il a tenu à dire qu'il avait été soufflé par l'excellent jeu du jeune Vasek Pospisil, de Vernon, en C.-B., au cours de la dernière semaine, le Québécois, originaire de Sainte-Hyacinthe, a précisé qu'il faudra probablement attendre près d'une décennie avant qu'un Canadien ne répète son exploit. Il ne faudrait d'ailleurs pas s'étonner s'il n'y a toujours pas de champion canadien la prochaine fois que les hommes seront à Montréal, en 2015.

«Deux ans, ce n'est pas assez pour gagner une finale ici, a-t-il assuré. Nous avons maintenant deux joueurs qui ont percé - Raonic et Pospisil -, mais il nous en faudrait 12. Regardez l'Espagne et l'Argentine. Comme on dit, on se nourrit des résultats de l'autre. En Espagne, il y a beaucoup d'autres bons joueurs à part Nadal. Pour l'instant, nous n'en avons que deux, et il faudra au moins sept ou huit ans avant qu'un Canadien ne gagne ici.»

Bédard a toutefois tenu à souligner que la différence entre la qualité du jeu à l'époque où il arpentait les terrains en compagnie des meilleurs joueurs de la planète et celui d'aujourd'hui était bien différent.

«Dans mon temps, nous étions tous des amateurs, a-t-il rappelé. Nous ne jouions pas pour l'argent. C'est une pression supplémentaire (pour Raonic). Nous ne jouions pas devant un public aussi nombreux. Les gens attendent beaucoup de lui. Mais il y arrivera. Il n'a pas pu le faire aujourd'hui, c'est tout.»

L'homme de 81 ans, qui s'adonne encore au tennis régulièrement en compagnie de ses petits-enfants, a ajouté qu'il ne manquait que quelques éléments au jeu de Raonic pour passer à l'étape supérieure. Il a notamment pointé du doigt la faiblesse de son jeu en retour de service.

«Sa principale faiblesse, c'est son retour de service. Il compte trop sur son service», a dit celui qui a jadis refusé une offre de contrat des Rangers de New York, préférant devenir professeur. «Si j'étais son entraîneur, et j'en suis loin, je l'empêcherais de servir pendant un moment, pour l'obliger à améliorer ses autres coups. Il ne pourra toutefois pas améliorer sa mobilité autant que celle de Pospisil; elle n'est pas très bonne. Mais il progresse quand même.»

Un point de vue qui est partagé par le principal intéressé, qui a tout de même défait le Français Jérémy Chardy, le Russe Mikhail Youzhny, l'Argentin Juan Martin del Potro, le Letton Ernests Gulbis et Pospisil avant d'affronter Nadal en finale.

«J'ai placé plusieurs pierres d'assise pour la suite de ma carrière cette semaine, a dit Raonic. Donc c'est bien. Mais j'ai appris des leçons. Et c'est une expérience de laquelle je peux tirer beaucoup de bonnes choses.»

Nadal a d'ailleurs tenu à dire à l'issue de la finale de la Coupe Rogers que l'avenir était radieux pour le tennis canadien, en dépit de la défaite à sens unique de Raonic.

«C'était spécial de jouer contre un joueur local aujourd'hui, a confié Nadal. Mais c'est bien pour le sport. Quand le présentateur a introduit Milos et que la foule s'est exclamée, c'était spécial. C'est une belle image pour notre sport. J'ai vraiment apprécié ce moment.

«Chaque joueur est différent et il n'existe pas qu'une seule façon d'arriver au sommet, a-t-il poursuivi. Milos possède de bonnes qualités, mais il a joué de façon trop agressive (dimanche). Ça ne veut pas dire qu'il n'appartient pas aux meilleurs joueurs au monde. Il a sa place.»

Pour l'instant, toutefois, Raonic peut se consoler en se disant qu'il a atteint un autre objectif, soit celui de devenir le premier Canadien à se hisser parmi le top-10 du classement mondial de l'ATP.