Jouer dans la Ligue nationale de hockey n'était pas le rêve de Chris Chelios. C'était celui de Bobby Parker.

Parker était un défenseur originaire de Moose Jaw, en Saskatchewan, qui avait assez de talent à l'époque pour attirer l'attention de certains collèges américains qui lui ont offert des bourses d'études. Il a choisi Université internationale des États-Unis à San Diego, en Californie, où Chelios tentait de se tailler une place au sein de l'équipe de hockey en tant qu'attaquant, à l'automne 1979.

Chelios n'a pas réussi à percer la formation, et même si Parker y est parvenu, il a décidé que les installations vétustes de l'équipe et la vie en Californie n'étaient pas pour lui. Il a choisi de rentrer chez lui pour poursuivre sa carrière avec les Canucks de Moose Jaw de la Ligue de hockey junior de la Saskatchewan. Avant de quitter, Parker a posé un simple geste qu'il attribue au destin.

«Nous étions sur la plage un jour et je l'ai reconnu. J'ai donc marché vers lui, explique Parker. Nous avons commencé à parler et il m'a dit qu'il n'avait plus d'avenir au hockey. Il n'y avait qu'une ligue de garage là-bas, une sorte de ligue senior.»

Quand Chelios a confié à Parker qu'il voulait simplement jouer au hockey quelque part, Parker lui a donné le numéro de téléphone de l'entraîneur des Canucks de Moose Jaw, Larry Billows. Après s'être laissé convaincre par Parker, Billows a permis à Chelios d'intégrer l'équipe au poste de défenseur même s'il n'avait jamais évolué à cette position auparavant.

«Ils ont commencé à écrire dans les journaux que nous avions acquis un défenseur en provenance de San Diego, se rappelle Parker. Je me disais qu'il n'avait jamais joué à la défense. Je n'avais aucune idée de ce qui arriverait.»

Ce qui a suivi a été le début d'un long parcours ponctué de 1651 matchs dans la LNH, trois conquêtes de la coupe Stanley et une intronisation au Temple de la renommée, lundi. Peu après avoir donné une occasion en or à Chelios, Parker a vu sa carrière prendre fin en raison d'un problème de vision.

«Il a vécu mon rêve, affirme Parker. Ç'a été dur. Je vais vous le dire, ça m'a pris du temps à l'accepter puisque après sa deuxième année à Moose Jaw, j'ai dû tout abandonner. Je lui ai dit de le faire pour nous deux.»

Parker est né avec un problème à un oeil mais il se considère comme un bon joueur de hockey qui aurait pu atteindre la LNH. Il a tenté sa chance en disputant un match avec les Wheat Kings de Brandon dans la Ligue de l'Ouest, mais sa vision défaillante posait trop de risques pour continuer son parcours.

Alors que Chelios mettait la main à trois reprises sur le trophée Norris, remis au meilleur défenseur de la Ligue nationale, la vision de Parker a continué de se détériorer.

«Je peux vivre normalement, mais je ne peux pas conduire par exemple, a expliqué Parker, samedi. Je ne sais pas comment l'expliquer, c'est comme si quelqu'un atténuait la lumière et que les choses devenaient floues.»

Parker a cependant pu voir et apprécier les succès de Chelios. Il ne vivait que pour le hockey et a dû apprendre à vivre sans le sport.

Chelios, lui, était prêt à faire une croix sur le hockey lorsqu'il était sur la plage, à San Diego. Son changement d'air et de position lui a toutefois permis de se développer et de briller pendant 26 saisons dans la LNH.

«Je regarde beaucoup de hockey et j'y ai joué longtemps, et ce qui m'a frappé c'est la rapidité avec laquelle il s'est mis à jouer en défensive comme si c'était sa position naturelle, a ajouté Parker. Ce qui s'est aussi produit, c'est qu'il a gagné quelques pouces. Il a aussi pris 15 livres, je crois, au cours de la saison.»

La même année au cours de laquelle Chelios a été sélectionné au deuxième tour par le Canadien de Montréal et où il a poursuivi son développement à l'Université du Wisconsin, Parker a disputé son seul et unique match dans la WHL, écopant d'une pénalité mineure. En 1982, Chelios a encaissé ce qu'il considère la pire défaite de sa carrière, un revers de 8-0 subie aux mains de l'Union soviétique lors du Championnat du monde junior. Il s'est même presque dit «embarassé d'être un Américain» à ce moment.

En 1986, Chelios a savouré son premier titre majeur en remportant la 23e coupe Stanley de l'histoire du Canadien. Se retrouver au milieu d'un million de partisans du Tricolore sur la rue Sainte-Catherine demeure l'un des plus beaux souvenirs du joueur natif de Chicago.

«Il n'y a rien comme remporter un championnat», a dit Chelios.

Chelios a été échangé inopinément aux Blackhawks en 1990 où il a disputé plus de huit saisons avant d'être envoyé aux Red Wings de Detroit. Il a gagné deux autres titres avec les Wings en 2002 et en 2008.