Les astronomes babyloniens ont inventé des formules mathématiques et géométriques très avancées pour traquer le mouvement de Jupiter 14 siècles avant les Européens, ont déterminé des chercheurs.

L'astro-archéologue Mathieu Ossendrijver, de l'Université Humboldt à Berlin, a fait cette découverte en réexaminant des inscriptions cunéiformes sur des tablettes d'argile datant de 350 à 50 ans avant l'ère chrétienne qui se trouvent au British Museum à Londres.

Jusqu'alors les historiens de la science pensaient que les savants de Babylone en Mésopotamie - qui correspond aujourd'hui à l'Irak - prédisaient le mouvement du soleil, des planètes et de la lune à l'aide de formules arithmétiques simples en observant la voûte céleste dans le désert.

Or les auteurs de l'étude, publiée dans la dernière livraison de Science, ont conclu après plusieurs années de travaux fastidieux, que les Babyloniens ont inventé des concepts mathématiques et géométriques qui décrivent les relations entre le mouvement, le temps et la position des objets célestes.

Des concepts très familiers à tous les physiciens ou mathématiciens modernes, mais dont on pensait qu'ils n'étaient apparus que bien après les Babyloniens.

Les inscriptions des astronomes mésopotamiens révèlent des représentations géométriques des objets plus abstraites et sophistiquées que celle des Grecs anciens, avec une dimension représentant le temps, souligne l'historien Alexander Jones de l'Université de New York qui n'a pas participé à cette étude.

De tels concepts n'ont pas été « redécouverts » avant le début du 14e siècle en Europe, ajoute-t-il ce qui témoigne du « génie de ces savants inconnus de Mésopotamie inventeurs de l'astronomie mathématique babylonienne ».

La géométrie babylonienne réinventée

Après que l'écriture cunéiforme se fut éteinte au premier siècle de l'ère chrétienne, on pensait que l'astronomie babylonienne était à jamais tombée dans l'oubli. Il a fallu attendre que des philosophes et mathématiciens français et anglais réinventent ces concepts à la fin du Moyen-Age, explique le professeur Jones.

Selon lui, cette découverte pourrait indiquer que la géométrie de Babylone n'avait finalement peut-être pas complètement disparu.

C'est en comparant les photos de fragments de tablettes d'autres textes babyloniens plus anciens, avec des tablettes du British Museum, que Mathieu Ossendrijvern a découvert que les formules se référaient à une forme trapézoïdale qui permet de calculer le mouvement de Jupiter.

La planète géante était associée au principal dieu des Babyloniens, Marduk, patron de la ville de Babylone.

Les calculs qui figurent sur les tablettes couvrent un cycle de 60 jours du mouvement de Jupiter qui débute le premier jour où la planète apparaît dans le ciel juste avant l'aube, précise Mathieu Ossendrijver, un astrophysicien devenu historien.

Pendant cet intervalle, le déplacement de Jupiter paraît se ralentir. Un tel mouvement erratique en apparence s'explique par la combinaison complexe des orbites de la Terre et de Jupiter autour du soleil.

Un graphique de l'apparente vélocité de Jupiter forme un trapèze qui permet de déterminer la distance parcourue par la planète le long du plan écliptique dans le ciel pendant 60 jours.

« Cette étude est une contribution très importante à l'histoire de l'astronomie babylonienne et plus généralement à l'histoire de la science », estime l'historien de l'astronomie John Steele de l'Université Brown qui n'a pas participé à cette découverte.