La sonde américaine Voyager 1 est officiellement devenue le premier objet humain à quitter le système solaire: que sait-on de son nouvel environnement? Pendant combien de temps va-t-elle continuer à fonctionner? Que peut-elle nous apprendre?

QUESTION - Comment sait-on que Voyager a atteint l'espace interstellaire?

REPONSE - La densité du milieu dans lequel se déplace la sonde est beaucoup plus élevée que celle de la bulle dans laquelle baignent la Terre et les autres planètes du système solaire.

Les astrophysiciens ont pu l'évaluer indirectement, à partir de mesures d'ondes transmises par la sonde, la fréquence étant directement liée à la densité.

Q - Dans quel milieu évolue désormais la sonde?

R - L'espace interstellaire est fait de gaz, le plasma galactique : on ne le visualise pas.

Tout ce qu'on en connaît aujourd'hui repose sur des modèles. Pour la première fois une sonde va pouvoir explorer ce milieu. Les astrophysiciens vont pouvoir comparer tout ce qui a été déduit indirectement avec des observations directes du gaz galactique.

Et si tous les instruments ne fonctionnent plus sur Voyager 1, sa petite soeur Voyager 2, totalement operationnelle, devrait elle aussi pénétrer ce milieu inexploré d'ici trois ans.

Q - Quelles informations peut-on en attendre?

R - «C'est particulièrement intéressant pour la physique, et notamment l'analyse des interactions entre les étoiles et les gaz dans les galaxies», explique Rosine Lallement, de l'Observatoire de Paris.

«Ce qu'on est en train d'apprendre a des implications directes notamment sur l'interprétation des supernovae. Or c'est l'analyse des supernovae qui permet par exemple de comprendre si l'univers est en expansion», ajoute-t-elle.

Il y a aussi l'aspect exploration de l'inconnu. «C'est toujours intéressant d'aller voir un peu comment ça se passe dehors», glisse l'astrophysicienne.

Et si un jour on veut envoyer des sondes vers les étoiles, on en saura davantage sur le milieu auquel on va se frotter.

Q - Comment Voyager transmet-elle ses informations à la Terre?

R - Les données collectées par les différents instruments sont toutes transmises en temps réel par radio, avec un débit qui semble ridicule à l'aune des liaisons internet actuelles: 160 bits par seconde à comparer à 5 à 8 millions de bits en moyenne pour une ligne ADSL en France. Ce signal radio est émis avec une puissance d'environ 20 watts, l'équivalent d'une petite ampoule de lampe de chevet. Mais après avoir voyagé pendant quelque 19 milliards de km, la puissance reçue sur Terre est infinitésimale, moins d'un milliardième de milliardièrme de watt, et il est nécessaire d'utiliser des antennes de 34 à 70 mètres de diamètre du réseau Deep Space pour les écouter!

Q - Jusqu'à quand?

R -  Les responsables de la mission estiment que certains instruments pourront continuer à fonctionner au moins jusqu'en 2020. Mais dès 2014, l'instrument ultraviolet à bord de Voyager 1 sera éteint par une commande envoyée depuis le sol, afin de préserver de l'énergie pour les autres instruments. Puis, aux alentours de 2020, les ingénieurs éteindront un par un ces instruments pour maintenir la sonde en vie, jusqu'à ce que le dernier détecteur soit coupé, vers 2025.

«Même s'il est probable qu'aucune donnée scientifique ne sera collectée après 2025, il se peut que des renseignements techniques continuent à nous parvenir encore plusieurs années après», précise Ed Stone, responsable du projet à la NASA.

Les deux sondes Voyager devraient rester à portée des grandes oreilles de Deep Space jusqu'aux environs de 2036, à condition que leur pile atomique dégage encore assez d'énergie pour transmettre des signaux jusqu'à la Terre.

Q - Et après?

R - Voyager 1 s'échappe du système solaire à une vitesse d'environ 525 millions de km par an (3,5 fois la distance de la Terre au Soleil, la fameuse Unité Astronomique), filant droit vers la constellation du Serpentaire (Ophiuchus).

En l'an 40272, la sonde passera à 1,7 année-lumière d'une étoile obscure de la constellation de la Petite Ourse.