Comme les oiseaux migrateurs, le grand requin blanc fait le plein de lipides avant de se lancer dans la traversée des océans, montre une étude ciblée sur la «flottabilité» de ce prédateur redoutable, aujourd'hui menacé.

De nombreuses espèces animales entreprennent des migrations annuelles, coûteuses en énergie. Elles s'appuient sur des réserves emmagasinées avant le voyage. Chez les oiseaux migrant sur de longues distances, l'accumulation d'énergie peut ainsi entraîner un doublement du poids normal.

L'anguille d'Europe, ou anguille commune (Anguilla anguilla) a besoin par exemple d'un seuil minimum de graisse corporelle avant de partir se reproduire dans la mer des Sargasses.

Une équipe de biologistes conduite par Gen Del Raye (Université de Stanford, États-Unis) a montré le même phénomène de stockage de graisse préalable à la migration chez le grand requin blanc. Ses travaux sont publiés mercredi dans la revue Proceedings B de la Royal Society britannique.

Les lipides sont généralement les molécules de stockage privilégiées, en raison de leur haute densité énergétique et parce qu'elles peuvent être synthétisées à partir de n'importe quel type de nourriture ingérée.

Le grand requin blanc (Carcharodon carcharias), dont certains spécimens atteignent cinq mètres de long, pèse en moyenne 1,3 tonne. Espèce protégée, il se trouve dans toutes les mers tempérées. C'est le plus gros poisson prédateur de la planète.

Des études récentes ont montré qu'il était aussi un migrateur aux capacités étonnantes. Une équipe internationale de chercheurs a ainsi publié en 2005 dans la revue Science le temps «record» réalisé par un requin blanc femelle, pour faire la traversée aller-retour de l'océan Indien. «Nicole» avait parcouru plus de 20 000 km en un peu moins de neuf mois.

L'équipe de Gen Del Raye a pour sa part étudié le stockage d'énergie chez les requins blancs du Pacifique oriental, en observant les modifications dans la flottabilité de l'animal au cours de migrations sur de longues distances (4000 km).

Contrairement à la plupart des poissons, les requins ne possèdent pas de vessie natatoire pour contrôler leur flottabilité. Chez eux, c'est le foie, qui peut représenter 28% du poids total du corps et constitue une énorme réserve d'énergie, qui contribue à la flottabilité, conditionnée par le rapport entre le poids d'un objet dans l'eau et son volume.

Un foie de requin blanc de 456 kg contenant 400 litres d'huile peut par exemple fournir 50 kg de poussée, assez pour neutraliser le poids du requin dans l'eau.

Les chercheurs ont ainsi fait l'hypothèse que le métabolisme des réserves lipidiques du foie lors d'une migration prolongée peut être détectable dans les changements de flottabilité de l'animal.

Ils ont utilisé les données de capteurs électroniques pour évaluer la flottabilité des requins blancs, en mesurant les changements dans leur vitesse de plongée dérivante durant leur voyage.

L'analyse des données a montré que les requins blancs sont d'abord portés par des réserves importantes de lipides au début de la migration, mais perdent progressivement cette flottabilité au fur et à mesure que leurs réserves énergétiques sont consommées.

«Ces résultats constituent la première évaluation du stockage de l'énergie des requins migrateurs», ont conclu les chercheurs.