Israël a annoncé samedi la prochaine libération de prisonniers palestiniens à la suite de l'accord arraché par le secrétaire d'État américain John Kerry ouvrant la voie à une reprise des pourparlers de paix, abandonnés depuis trois ans.

Parallèlement, Israël ne fera aucun compromis sur des «questions diplomatiques», a néanmoins indiqué le ministre israélien des Relations internationales, Youval Steinitz, précisant qu'aucun accord n'avait été conclu sur un gel de la colonisation ou une référence aux lignes de 1967, principales revendications palestiniennes.

M. Kerry n'a donné aucun détail sur le contenu de l'accord annoncé vendredi à Amman «qui établit la base d'une reprise des négociations», renvoyant à des discussions la semaine prochaine à Washington avec le négociateur palestinien Saëb Erakat et la ministre israélienne de la Justice Tzipi Livni, en charge de ce dossier.

De leur côté, les dirigeants palestiniens se sont engagés à «négocier sérieusement» au moins neuf mois, pendant lesquels ils continueraient à s'abstenir de toute démarche d'adhésion à des organisations internationales, y compris aux instances judiciaires habilitées à poursuivre Israël, a affirmé M. Steinitz.

«Il y aura un nombre limité de libérations de prisonniers», a déclaré le ministre, soulignant que cette mesure bénéficierait à des Palestiniens détenus depuis avant les accords de paix d'Oslo de 1993, une exigence centrale du président palestinien Mahmoud Abbas.

Mais un responsable israélien a précisé que «les libérations pourraient n'intervenir qu'une fois les négociations entamées, au terme d'une période permettant aux Palestiniens de prouver qu'il sont vraiment sérieux.»

«Cela ne va pas intervenir demain ni la semaine prochaine», a-t-il indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat, ajoutant qu'il était «trop tôt» pour avancer un nombre.

Les dernières négociations de paix, lancées en septembre 2010, après quasiment deux ans d'interruption, ont très rapidement achoppé sur la poursuite de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.

Dès l'annonce, Mme Livni s'était félicitée que «quatre ans de marasme diplomatique touchent à leur fin».

La chef du parti travailliste et de l'opposition, Shelly Yachimovich, a salué «une occasion importante», laissant entendre une nouvelle fois qu'elle serait prête à rejoindre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu en cas de défection de ses alliés les plus à droite, hostiles à la création d'un État palestinien.

«Suicide politique»

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a demandé aux dirigeants israéliens et palestiniens de faire preuve de «courage et de responsabilité», tandis que le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a salué leur «sens des responsabilités», les appelant à «mener effectivement ces négociations».

La présidence palestinienne a salué l'accord avec circonspection, prévenant qu'il «restait des détails spécifiques à régler», espérant que «tout se passe bien».

Le Hamas, au pouvoir à Gaza, a rejeté «la reprise des négociations», réaffirmant que «M. Abbas n'a aucune légitimité pour négocier au nom du peuple palestinien sur des questions fondamentales».

Les autres mouvements palestiniens étaient également sceptiques, échaudés par l'expérience d'Oslo.

«Retourner aux négociations hors du cadre des Nations unies et de leurs résolutions reviendrait à un suicide politique», a prévenu le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, gauche nationaliste).

«L'expérience de vingt ans de négociations est suffisante pour prouver que c'était une erreur de signer les accords d'Oslo avant un arrêt de la colonisation, le nombre de colons dans les territoires occupés étant passé depuis de 150 000 à 600 000», relève le mouvement du député indépendant Moustapha Barghouthi.

Des observateurs se montraient également critiques, soulignant les zones d'ombre de l'accord.

«C'est un gâteau à moitié cuit que Kerry a sorti du four. Il a convaincu les Israéliens et les Palestiniens qu'il était comestible, et les deux parties ont accepté de le manger», a résumé le commentateur politique de la radio publique israélienne.

Un autre commentateur de la radio a rappelé que l'émissaire personnel de M. Netanyahu Yitzhak Molcho, était déjà en contact régulier avec M. Erakat.

«Maintenant, Mme Livni s'ajoute (aux discussions NDLR), mais il ne s'agit toujours pas d'une rencontre au niveau des dirigeants», a-t-il souligné.