«Journée de pleurs» en Italie vendredi après le naufrage de Lampedusa qui a sans doute coûté la vie à 300 migrants, pour la plupart Érythréens, suscitant des appels à l'Europe pour mettre un terme à ces tragédies.

Le navire, parti de Libye et qui a coulé tôt jeudi matin au large de la petite île sicilienne, transportait 450 à 500 migrants, selon les autorités. Seuls 155 environ ont été sauvés, ce qui laisse craindre un bilan d'environ 300 morts, dont un grand nombre de femmes et d'enfants. Cela en fait la pire tragédie de l'immigration des dernières années.

Jusqu'à présent 111 corps ont été ramenés à terre, mais la récupération des cadavres a été interrompue vendredi matin «car la mer est trop agitée et les conditions de sécurité ne sont pas réunies pour les sorties en mer», a indiqué à l'AFP Leonardo Ricci, un responsable de la police financière à Lampedusa.

Les plongeurs «ont vu des corps sur le fond et à l'intérieur» de l'épave du navire, un bateau de pêche, qui git retourné à 40 mètres de profondeur, à environ 550 mètres de la première côte, a dit ce responsable.

Entassés sur le navire en panne, les migrants ont enflammé une couverture pour signaler leur présence, ce qui a provoqué un incendie puis le naufrage, vers 4/5h (22 h/23 h mercredi à Montréal). Selon le vice-premier ministre, Angelino Alfano, «les premiers secours ont été prodigués vers 5 h GMT (1 h à Montréal) par des pêcheurs qui ont avisé les autorités».

Rafaele Colapinto, un d'entre eux, a raconté avoir vu «un océan de têtes».

«On a entendu des cris et on s'est précipité pour voir ce qui se passait, et là, nous avons trouvé une situation de cauchemar», a déclaré à l'AFP un commerçant de Lampedusa, Alessandro Marino, qui a dit en pleurant n'avoir réussi à en «sauver que 47».

Une pétition pour décerner le prix Nobel de la paix à Lampedusa, lancée par l'hebdomadaire L'Espresso, a déjà recueilli plus de 20 000 signatures.

Dans toute l'Italie, une minute de silence a été observée dans les écoles et les drapeaux sont en berne. Sur la petite île touristique, les magasins sont fermés vendredi sur ordre du maire, Mme Giusy Nicolini.

«Cela ne peut pas continuer comme ça, nous espérons que les politiques vont changer, l'avenir de Lampedusa est directement lié aux politiques d'asile et sur l'immigration», a souligné Mme Nicolini.

Parlant de «journée de pleurs», le pape François a dénoncé lors d'une visite à Assise «l'indifférence à l'égard de ceux qui fuient l'esclavage, la faim pour trouver la liberté»

«D'autres tragédies»

Les corps, enveloppés dans des linceuls en plastique ont été alignés dans un hangar de l'aéroport où leurs visages sont photographiés pour une possible identification ultérieure.

«J'ai vu des femmes, des enfants... Notre premier devoir, c'est de leur donner une sépulture digne», a dit M. Alfano devant le Parlement, en soulignant que les plus pauvres d'entre eux «qui payaient le billet le moins cher, étaient dans les cales».

Plusieurs maires siciliens, dont celui de Cammarata, Vito Mangiapane, ont proposé des places dans leur cimetière pour accueillir «ces pauvres gens».

Selon l'OIM (Bureau international des migrations), pour ces traversées, ils payent «entre 1200 et 2000 euros» (1680 et 2800 $) et «les bateaux, souvent rachetés à des pêcheurs ou abandonnés, sont en très mauvais état».

Le Haut commissariat aux réfugiés, qui a un correspondant à Lampedusa, a précisé que les migrants «des Érythréens», étaient partis de Misrata (Libye) puis passés par Zuwara avant de se diriger vers Lampedusa, plus proche de l'Afrique du Nord que la Sicile.

«C'est un Tunisien de 35 ans qui avait été expulsé en avril» qui pilotait le bateau clandestin et il a été arrêté, selon M. Alfano, qui a dit craindre «d'autres tragédies» après un afflux de «30 000 migrants» depuis le début de l'année en Italie.

Le ministre de l'Intérieur a appelé à changer les règles européennes qui «font trop peser sur les pays d'entrée la charge de l'immigration clandestine» et à surveiller davantage les côtes en Tunisie et en Libye, pays d'où partent les bateaux de clandestins.

Selon le HCR, après les nombreuses arrivées des derniers jours, le centre d'accueil de Lampedusa «est surpeuplé de plus de 1000 personnes».

Selon le réseau d'ONG Migreurop à Paris, en 20 ans, 17 000 migrants sont morts en tentant de rallier l'Europe.