Le pape François, dans des confidences historiques sur ses priorités, prône une Église plus ouverte et accueillante qui ne s'enferme pas dans les comportements rigides passés, notamment sur l'homosexualité et le divorce.

«Des propos révolutionnaires», commentait vendredi le plus grand journal italien Corriere della Sera. «Sans ménagements, le pape inscrit un tournant dans l'Église», titrait l'International Herald Tribune.

Le journal du Vatican, l'Osservatore Romano, a aussitôt cherché à calmer le jeu, fustigeant les «interprétations variées»: François a seulement voulu «répondre avec fidélité à la parole du Christ» et expliqué son «rapport de charité avec ceux qu'il rencontre», écrit-il.

L'entretien de 30 pages diffusé jeudi par les revues jésuites dans le monde a été perçu comme un événement, par la manière bienveillante avec laquelle le chef de l'Église a parlé de personnes qui s'y sentent discriminées.

Le pape a appelé les prêtres à «accompagner» les homosexuels, les femmes ayant subi un avortement, les divorcés remariés, en prenant en compte leur «situation réelle».

«Les ministres de l'Évangile doivent être des personnes capables de réchauffer le coeur des personnes, de faire un bout de chemin avec elles», mais «l'ingérence spirituelle dans la vie des personnes n'est pas possible», soulignent deux passages-clés.

L'Église doit être, à ses yeux, comme «un hôpital de campagne» qui soigne les «blessures» de la vie dans l'urgence.

Une pluie de «prescriptions», de «dénonciations pour manque d'orthodoxie», de «petits préceptes» risque à l'inverse de faire vaciller l'Église comme un «château de cartes», alors que l'annonce «missionnaire» de Jésus-Christ est une bonne nouvelle pour tous, a-t-il dit.

Les réformes tant attendues des structures de l'Église n'apparaissent pas comme la priorité du pape argentin.

Et cette entrevue ne marque en rien une modification des dogmes sur ce qui est considéré comme péché, le pape continuant à se référer au catéchisme de l'Église.

L'auteur de l'entrevue, le directeur de la revue jésuite Civilta Cattolica, Antonio Spadaro, a souligné à Radio Vatican que François ne cédait nullement au «relativisme», bête noire de Benoît XVI.

François tranche dans son discours avec Jean Paul II et Benoît XVI qui mettaient souvent l'accent sur les interdits. Une manière aussi de surmonter l'incompréhension avec le monde moderne, très focalisé sur les thèmes de la sexualité.

Selon Lucetta Scaraffia, éditorialiste à l'Osservatore Romano (quotidien du Vatican), «François distingue le péché du pécheur. Il dit que les homosexuels ne sont pas inférieurs ni différents des autres, le choix de comment vivre son homosexualité faisant partie du mystère de l'homme».

«Bergoglio adopte la même approche de miséricorde pour les femmes qui interrompent volontairement leur grossesse et les nouvelles unions. Son christianisme n'est pas un rigide puritanisme sans coeur», affirme au quotidien La Stampa cette historienne.

Marco Politi, biographe de Benoît XVI et vaticaniste, voit «une rupture» avec Ratzinger. «François dit: la doctrine de l'Église est ce qu'elle est; ce qui est important, c'est d'entrer dans la vie personnelle des gens».

Dans une tribune au quotidien La Repubblica, le théologien suisse contestataire Hans Küng espère que le pape engagera concrètement des réformes: «L'autorisation des sacrements pour les divorcés remariés, l'abolition de l'obligation du célibat pour les prêtres, le sacerdoce féminin».

Ces souhaits risquent toutefois d'être déçus. Le Vatican a juste ouvert une fenêtre pour l'intégration des divorcés remariés, sans bouger sur le reste. Récemment aussi, le futur secrétaire d'État Pietro Parolin a noté que le célibat des prêtres n'était pas un dogme. Ce qui, en dépit des réactions suscitées, n'était pas une nouveauté.

Le pape n'est pas revenu sur la directive Ratzinger de 1986 qui dissuadait les homosexuels de devenir prêtres. Et rien ne dit qu'il le fera, François défendant l'idée d'un engagement total des prêtres dans ce qu'il appelle «la mission».

En recevant vendredi des gynécologues, François a prononcé sa condamnation la plus ferme de l'avortement depuis le début de son pontificat le 13 mars, en leur demandant de «défendre la vie» dans les hôpitaux: «Chaque enfant non né, mais injustement condamné à être avorté, possède le visage du Seigneur qui, avant même de naître puis à peine né, a fait l'expérience du refus du monde».