Un journaliste américain s'est livré à une violente critique d'une loi anti-gai russe promulguée par le président Vladimir Poutine, en direct sur la chaîne de télévision publique russe en langue anglaise RT, qui l'a privé d'antenne.

Alors qu'il était invité mercredi soir à commenter l'affaire Bradley Manning, James Kirchick, ouvertement homosexuel, a mis des bretelles arc-en ciel en soulignant qu'on ne pouvait «pas rester silencieux devant le mal», en référence à une loi russe interdisant la «propagande» homosexuelle devant des mineurs désormais passible d'amende et de prison.

«Étant ici, sur cette chaîne de propagande créée par le Kremlin, je vais porter mes bretelles de gay pride et je vais dénoncer cette horrible loi que le président Vladimir Poutine a signée et qui a été approuvée par la Douma russe», a-t-il lancé.

Interrompu par une présentatrice qui l'interrogeait sur Manning, soldat américain condamné à 35 ans de prison pour avoir transmis à WikiLeaks des milliers de documents, il a répondu: «ça ne m'intéresse vraiment pas de parler de Bradley Manning, je veux parler de l'horrible atmosphère de l'homophobie» en Russie.

Il s'en est ensuite pris aux journalistes de RT.

«Vous mentez 24 heures sur 24 sur ce qui se passe aux États-Unis et vous ignorez ce qui se passe en Russie. Je vais prendre deux minutes pour dire la vérité», a-t-il lancé.

«Comment arrivez-vous à dormir la nuit ?», a-t-il demandé à une présentatrice. «Vous devez tous avoir honte sur cette chaîne», a-t-il poursuivi avant d'être privé d'antenne.

La rédactrice en chef de RT, Margarita Simonyan, a réagi jeudi matin sur son compte Twitter en qualifiant le journaliste de «troll», un terme utilisé dans le jargon internet pour désigner une personne qui intervient pour nourrir artificiellement une polémique.

«Le camarade a décidé de nous troller (provoquer, en langage Facebook, ndlr) dans une émission consacrée à Bradley Manning. Nous l'avons certes écouté, mais ensuite décidé que cela n'avait rien à voir avec le sujet abordé», a-t-elle écrit.

«La prochaine fois nous l'inviterons pour discuter des droits des gais, et maintenant au revoir», a-t-elle poursuivi.

Sa démarche a été saluée par l'acteur britannique Stephen Fry, lui aussi ouvertement gai, qui avait appelé au boycottage des jeux olympiques d'hiver organisé en février 2014 à Sotchi, dans le sud de la Russie.

«C'est vraiment magnifique! Clair, passionné, courageux, exactement ce qu'il fallait», a-t-il réagi sur son compte Twitter.

La Russie, qui a accueilli la semaine dernière les Mondiaux d'athlétisme et se prépare à organiser les JO-2014 et le Mondial-2018 de football, est au centre d'une controverse après l'entrée en vigueur en juin de la loi interdisant la «propagande» homosexuelle devant des mineurs.

Ce texte, jugé discriminatoire par beaucoup de défenseurs des droits de l'homme, a suscité des appels au boycottage des JO de Sotchi, nombre de militants redoutant que la loi ne soit utilisée pour réprimer les homosexuels.

La star russe de la perche Yelena Isinbayeva, qui a pris la défense de cette loi pendant les championnats du monde d'athlétisme à Moscou, s'est attirée de vives critiques d'ex-athlètes internationaux qui l'ont accusée d'être «vraiment déconnectée du reste du monde».