Blessée par les messages haineux, vulgaires et dégradants qu'elle a reçus sur un réseau social, une jeune Anglaise s'est suicidée, le 2 août dernier. Sa mort a créé une onde de choc au Royaume-Uni, où le premier ministre a lancé un appel à «boycotter les réseaux sociaux abjects», hier.

«T'es moche, va crever, tout le monde sera content», «Fais-nous une faveur, suicide-toi». Voici des exemples de messages que la jeune Hannah Smith, 14 ans, originaire du Leicestershire, a reçus de la part d'internautes anonymes.

Comme beaucoup d'autres jeunes de son âge, Hannah Smith s'est inscrite sur le site ask.fm. Il s'agit d'un réseau social mondial où les adolescents se créent une page pour, entre autres, parler de leurs problèmes, discuter de leur quotidien souvent de façon anonyme, etc.

L'aventure de l'adolescente sur ce site a dérapé quand elle a posé une question personnelle sur ses problèmes d'eczéma. Rapidement, des dizaines d'internautes l'ont harcelée, intimidée et offensée en la bombardant de messages haineux.

Certains s'en sont même pris à sa famille, rapporte le journal Telegraph en Angleterre. «Ton oncle mérite de mourir du cancer», lit-on, ne sachant pas que l'oncle de l'adolescente est mort des suites de cette maladie.

Ses parents n'étaient pas au courant

Hannah Smith a été retrouvée sans vie dans sa chambre par sa soeur aînée de 16 ans. D'après les informations, ses parents n'étaient pas au courant de l'intimidation et du harcèlement dont était victime la jeune fille dans le cyberespace. «Il n'y a pas eu de signal d'alerte», assure la belle-mère de la victime, rapporte le site Mirror.

En réaction à la mort tragique de sa fille, David Smith, un camionneur de 45 ans, s'est fait tatouer sur son bras le nom d'Hannah avec l'inscription «Je ne t'oublierai jamais». En entrevue au Mirror, il a d'ailleurs dit «avoir tout fait pour protéger sa fille», en vain. Il a aussi demandé de faire fermer le site.

Appel au boycottage

Touché par la disparition de l'adolescente, le premier ministre David Cameron a réagi hier. «Boycottez-les, n'y allez pas, ne vous y inscrivez pas», a-t-il lancé.

«Tout d'abord, ceux qui gèrent ces sites doivent monter au créneau et faire preuve d'un sens des responsabilités dans leur façon de les faire fonctionner», a-t-il dit au Daily Mail, un quotidien de Grande-Bretagne.

«Ensuite, ce n'est pas parce que quelqu'un fait quelque chose en ligne qu'il est au-dessus des lois. Si vous incitez quelqu'un à faire du mal, si vous incitez à la violence, vous violez la loi, que vous soyez en ligne ou pas. Et je vais m'assurer que nous menions les actions nécessaires», a-t-il poursuivi.

En réponse, plusieurs entreprises et associations ont fait savoir qu'elles ne mettraient plus de publicité sur le site ask.fm. «Il n'y a pas de modération. Personne n'a de comptes à rendre. C'est devenu une plateforme pour promouvoir la haine», dénonce Anthony Smythe, directeur de BeatBullying, une association spécialisée dans la protection des jeunes sur le Net.

Les frères Mark et Ilja Terebin, propriétaires du site, ont publié un communiqué pour tenter de «rassurer les utilisateurs et les parents des membres», rappelant les procédures pour signaler les dérapages.

«La vaste majorité de nos utilisateurs sont des adolescents très heureux. Le harcèlement est un très vieux problème que nous ne tolérons en aucun cas, mais si son développement sur internet est préoccupant, il n'est certainement pas spécifique à notre site», se défendent-ils. Le site a été lancé en 2010 en Lettonie et possède plus de 60 millions d'inscrits dans le monde. Il compterait plus de 13,2 millions d'utilisateurs par jour.

- Avec la collaboration de l'Agence France-Presse

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Quatre histoires de dérapage



JAMIE HUBLEY, 15 ANS

L'adolescent a été victime d'intimidation en ligne ainsi qu'à son école. Ce dernier aurait été stigmatisé en raison de son orientation sexuelle. Jamie Hubley avait tenté de créer un club pour vaincre la discrimination, mais en vain, le jeune homme d'Ottawa était encore la cible de commentaires haineux. Dans un billet sur son blogue publié peu avant qu'il s'enlève la vie, l'adolescent a écrit que l'intimidation le poussait à commettre l'irréparable. Jamie Hubley a mis fin à ses jours en octobre 2011.

REHTAEH PARSONS, 17 ANS

Rehtaeh Parsons aurait été victime de cyberintimidation pendant des mois après avoir été agressée sexuellement par quatre garçons, en novembre 2011. Des photos de l'agression auraient ensuite été diffusées sur les médias sociaux. Souhaitant lui venir en aide, sa famille a quitté Cole Harbour pour s'installer à Halifax, mais le calvaire de la jeune fille s'est poursuivi. Elle aurait subi un harcèlement quasi quotidien. L'adolescente est décédée en avril dernier, après avoir tenté de mettre fin à ses jours.

AMANDA TODD, 15 ANS

La jeune fille de Vancouver fut poussée par un homme inconnu à se dénuder devant une webcam alors qu'elle n'était âgée que de 13 ans. L'homme qui la harcelait finit par diffuser ces photos sur les réseaux sociaux. La vie d'Amanda Todd vira alors au cauchemar. Dans une vidéo dans laquelle elle faisait défiler des petits cartons blancs, Amanda Todd a raconté sa souffrance et les commentaires haineux dont elle était depuis victime sur Internet. Elle a mis fin à ses jours un mois plus tard.

CIARA PUGSLEY, 15 ANS

Comme Hannah Smith, cette jeune adolescente irlandaise aurait été victime d'intimidation sur le réseau social ask.fm. Ciara Pugsley aurait été la cible de commentaires sur sa santé mentale et son poids. Selon des membres de sa famille, les réseaux sociaux ont constitué «au moins un facteur» menant à l'irréparable. Âgée de 15 ans, Ciara Pugsley a mis fin à ses jours en septembre 2012.