Le conducteur du train qui a déraillé à Saint-Jacques-de-Compostelle, accident qui a fait 79 morts, parlait au téléphone avec un collègue et semblait consulter un plan au moment de l'accident survenu alors que le convoi roulait à 153 km/h, ont révélé mardi les boîtes noires de la motrice.

Les premières informations extraites de ces enregistrements confirment l'hypothèse d'une vitesse excessive avancée dès l'accident le 24 juillet, la plus grave catastrophe ferroviaire en Espagne depuis 1944, pour lequel le conducteur a été inculpé de «79 faits d'homicide par imprudence».

Elles donnent des indications précises sur le scénario de l'accident: un train lancé à 192 km/h, un coup de frein, puis le déraillement à 153 km/h alors que le conducteur parle au téléphone avec un collègue et semble consulter un plan.

Francisco José Garzon Amo, un cheminot expérimenté de 52 ans, avait, selon la presse, reconnu lors de son audition dimanche par le juge Luis Alaez avoir eu un moment de «distraction» et ne pas avoir réussi à freiner, sans pouvoir expliquer pourquoi.

Mardi, les renseignements fournis par les boîtes noires répondent en partie aux questions des enquêteurs, confirmant notamment que le train, à l'approche du lieu de l'accident, roulait deux fois plus vite qu'autorisé.

«Dans les kilomètres ayant précédé le lieu de l'accident, le train roulait à 192 km/h», a indiqué le Tribunal supérieur de justice de Galice.

«Quelques secondes avant l'accident, un frein a été activé. On estime qu'au moment du déraillement, le train roulait à 153 km/h», a ajouté le tribunal.

L'accident s'est produit dans le virage très serré de A Grandeira, à quatre kilomètres de Saint-Jacques-de-Compostelle, sur une voie à grande vitesse parcourue également par des trains conventionnels.

À cet endroit, le train a quitté un tronçon limité à 220 km/h pour en aborder un autre, situé en zone urbaine, limité à 80 km/h. Cette partie de voie n'est pas équipée de système automatique de freinage.

À 20h42 le 24 juillet, le train venant de Madrid s'est engagé dans le virage, avant de quitter les rails, heurtant un mur en béton, puis se coucher sur le côté.

«Quelques minutes avant que le train ne quitte la voie, le conducteur a reçu un appel (d'un agent de la compagnie de chemin de fer Renfe) sur son téléphone professionnel pour lui indiquer le chemin que devait suivre le train en arrivant à El Ferrol», sa destination finale après Saint-Jacques-de-Compostelle, a indiqué le tribunal.

«Du contenu de la conversation et à cause du bruit de fond, il semble que le conducteur consultait un plan ou un document similaire en papier», selon la même source.

Blessé, le conducteur a été laissé libre sous contrôle judiciaire. La photo de cet homme, l'air hébété, le visage en sang, extrait par les secouristes de l'épave de la locomotive, a fait le tour du monde, tandis que Francisco José Garzon, selon des témoins, affirmait qu'il aurait «préféré mourir».

Les enquêteurs devront notamment comprendre pourquoi le conducteur, affecté à cette ligne depuis juin 2012 et qui connaissait bien le parcours pour l'avoir déjà effectué 60 fois, parlait alors au téléphone.

L'accident a aussi soulevé des interrogations sur la sécurité. «Cette voie est conçue pour y circuler à 200 km/h et il revient donc au conducteur de choisir de réduire la vitesse à ce moment-là, sur une voie où il n'y a pas de signal indiquant qu'il doit commencer à décélérer», a expliqué, selon El Pais, le conducteur aux secouristes.

«Lui-même avait dit qu'il est incroyable qu'on ne contrôle pas la vitesse à cet endroit, qu'on ne pouvait pas passer de 200 km/h à 80 km/h sans aucune supervision d'aucun système de sécurité», a déclaré à l'AFP Rafael Rico, porte-parole du syndicat de conducteurs de trains Semaf en Galice.

Sur les 178 personnes blessées, 66 étaient toujours à l'hôpital mardi, dont 15 dans un état grave.