Saint-Jacques-de-Compostelle rend hommage lundi aux victimes de l'accident de train qui a fait 79 morts, lors d'une cérémonie solennelle dans la cathédrale de cette ville du nord de l'Espagne, un lieu de pèlerinage mondialement célèbre.

Le conducteur du train, Francisco José Garzon Amo, âgé de 52 ans, a été mis en examen dimanche pour «79 faits d'homicide par imprudence».

Il a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire après avoir, selon la presse, reconnu devant le juge avoir eu un moment de «distraction» lors de l'accident, puis a quitté le tribunal en voiture pour un lieu inconnu.

Cet homme, un cheminot pourtant expérimenté, est soupçonné d'avoir roulé beaucoup trop vite en arrivant, le 24 juillet au soir, dans un dangereux virage à quatre kilomètres de Saint-Jacques-de-Compostelle, où le train passe sur une distance très courte d'un tronçon limité à 220 kilomètres heure à un autre limité à 80 km/h.

C'est à cet endroit que le train de huit wagons et deux locomotives, venant de Madrid, a déraillé alors qu'il roulait, de l'aveu du conducteur, à 190 km/h.

Alors que les deux enquêtes, administrative et judiciaire, devront établir les responsabilités, la ville se préparait lundi à accueillir les funérailles.

Depuis jeudi, des pèlerins de plus en plus nombreux déposent dans la cathédrale et sur la grande place de l'Obradoiro, qui lui fait face, des fleurs, des offrandes, des petits mots griffonnés à la main pour témoigner de leur compassion.

Après les premiers enterrements qui ont eu lieu ce weekend dans différentes villes d'Espagne, l'hommage solennel sera rendu à partir de 19h (17h) dans la cathédrale, point d'arrivée du chemin de Saint-Jacques que parcourent, bâton à la main, des foules de pèlerins du monde entier.

Le chef du gouvernement Mariano Rajoy y est attendu, ainsi que le couple princier Felipe et Letizia et l'infante Elena, la fille aînée du roi Juan Carlos.

Sur la voie de chemin de fer bordant le hameau de Angrois, lieu de la tragédie, les engins de chantier avaient fini dimanche de dégager la locomotive accidentée. Le trafic a pu être rétabli lundi matin avec une vitesse limitée à 30 km/h à cet endroit.

Dimanche soir, le chauffeur du train était arrivé, menottes aux poignets, au tribunal de Saint-Jacques où il a été entendu pendant près de deux heures par le juge Luis Alaez.

Mis en examen pour «79 faits d'homicide et une quantité de faits ayant entraîné des lésions, tous commis par imprudence professionnelle», il a été laissé en liberté, le magistrat ayant estimé qu'il n'existait pas «de risque de fuite ni de destruction de preuves».

Blessé dans l'accident, le chauffeur avait été extrait par des secouristes de la locomotive et la photo de cet homme, l'air hébété, le visage en sang, avait fait le tour du monde.

Depuis, les enquêteurs s'interrogent sur ce qui s'est passé dans la cabine de pilotage ce mercredi juste avant 20h42, comment le conducteur, qui avait déjà parcouru 60 fois cette ligne, décrit par certains de ses collègues comme un professionnel irréprochable, a pu se laisser distraire.

Parmi les éléments à charge contre lui, cette vidéo de quelques secondes diffusée sur internet, semblant provenir d'une caméra de sécurité et montrant un train fou, surgissant à l'entrée du virage avant de sortir des rails et de se coucher sur le côté.

Mais d'autres interrogations sont apparues sur les conditions de sécurité existant sur cette partie de la voie, où circulent aussi bien des convois conventionnels que des trains à grande vitesse.

Ce tronçon, par exemple, n'est pas équipé de système automatique de freinage.

Or selon le journal El Mundo, le président du gestionnaire du réseau ferré Adif, Gonzalo Ferre, a reconnu que l'accident aurait pu être évité si la voie avait été équipée du système de sécurité ERTMS, installé sur les voies à grande vitesse.

79 personnes ont été tuées dans la catastrophe, dont un Français de 35 ans qui vivait en Espagne, Jean-Baptiste Loirat. 70 blessés étaient toujours hospitalisés, dont 22 dans un état grave.