L'Espagne cherchait à comprendre jeudi les causes de l'accident de train qui a fait au moins 80 morts la veille à Saint-Jacques de Compostelle, en Galice, dans le nord-ouest du pays, une tragédie parmi les plus graves de l'histoire du pays et l'accident ferroviaire le plus meurtrier en Espagne depuis 1944, qui semble due à une vitesse excessive.

Alors que le chef du gouvernement Mariano Rajoy arrivait sur les lieux, puis rendait visite aux blessés à l'hôpital, la Galice se préparait à sept jours de deuil et le roi Juan Carlos comme le prince héritier Felipe suspendaient leurs activités en signe de deuil.

Trois jours de deuil national



Le premier ministre Rajoy a annoncé jeudi trois jours de deuil national après le drame.



«Je vais signer aujourd'hui un décret déclarant trois jours de deuil national dans toute l'Espagne», a déclaré Mariano Rajoy, présent ur les lieux de la catastrophe.

Dès mercredi soir, très vite après le déraillement du train à son arrivée à Saint-Jacques, l'hypothèse d'une vitesse excessive, sur un tronçon de voie limité à 80 kilomètres heure, a pris corps. Une enquête judiciaire et une enquête administrative ont été ouvertes.

«Je roule à 190 km/h», a lancé, selon le quotidien El Pais, le conducteur du train alors qu'il abordait la dangereuse courbe où s'est produit l'accident, dans une communication radio.

Le train «n'a eu aucun problème opérationnel» et venait de passer une révision technique le matin même, a affirmé jeudi le président de la compagnie ferroviaire publique Renfe, Julio Gomez-Pomar Rodriguez.

Plusieurs témoins, abasourdis, ont raconté avoir entendu le bruit sourd d'une violente explosion.

«J'étais chez moi et j'ai entendu comme un coup de tonnerre, très fort, j'ai vu beaucoup de fumée», témoignait, à l'aube, Maria Teresa Ramos, une femme de 62 ans qui vit à quelques mètres du lieu de l'accident, assise dans son jardin d'où elle regardait une énorme grue se préparant à soulever les wagons désarticulés.

«C'était un désastre. Les gens criaient. Tous le monde est parti chercher des couvertures et des serviettes pour aider les blessés. Personne n'avait jamais vu cela ici».

L'accident s'est produit à 20h42 (14h42 à Montréal) sur un tronçon de voie à grande vitesse, dans un virage très prononcé à environ quatre kilomètres de la gare de Saint-Jacques de Compostelle, la ville de pèlerinage mondialement célèbre.

Plusieurs wagons sont sortis de la voie, s'empilant les uns sur les autres.

Sur les 222 personnes à bord du train, 80 ont été tuées, selon un bilan confirmé jeudi par le gouvernement régional. 143 personnes ont été blessées.

«J'ai entendu comme un coup de tonnerre. C'était comme s'il y avait eu un tremblement de terre», racontait à l'AFP un témoin âgé de 39 ans, Francisco Otero, qui se trouvait dans la maison de ses parents, le long de la voie.

«Je suis arrivé une minute plus tard. La première chose que j'ai vue a été le cadavre d'une femme. Cela m'a beaucoup impressionné. Je n'avais jamais vu un cadavre de ma vie», a-t-il ajouté, joint par téléphone. «Mais surtout, ce qui m'a le plus impressionné, c'était un grand silence. Il y avait aussi un peu de fumée et un petit incendie».

«Tout cela était irréel. Il y avait des voisins qui s'approchaient, ils tentaient d'extraire les gens prisonniers des wagons, avec des pics, des masses, et finalement ils ont réussi avec une scie à main».

Quatre wagons étaient renversés sur la voie, dont l'un au moins complètement déchiqueté, empilé sur un autre, de la fumée et des flammes se dégageant du convoi. Un autre a été projeté en l'air, jusque sur un terre-plein au-dessus de la voie. Plusieurs cadavres gisaient sur les voies, recouverts de couvertures.

«Il semble que dans un virage le train ait commencé à se retourner, nous avons fait beaucoup de tonneaux et plusieurs wagons se sont empilés les uns sur les autres», a raconté un passager au micro de la radio Cadena Ser.

Alors que les causes de l'accident n'étaient pas officiellement connues, la presse montrait du doigt une vitesse excessive.

«Grande vitesse mortelle», titrait le journal El Mundo, selon lequel le convoi était engagé à 220 kilomètres/heure dans le délicat virage de A Grandeira. «L'excès de vitesse est une des hypothèses qui prédomine», écrivait le journal.

Selon El Pais, le train circulait à 180 km/h en abordant le virage.

Le train venant de Madrid se dirigeait vers El Ferrol, sur la côte atlantique, et circulait sur un tronçon de la voie à grande vitesse galicienne, mise en service en décembre 2011, reliant la ville d'Ourense à Saint-Jacques puis La Corogne.

L'accident s'est produit à la veille de la Saint-Jacques, le saint patron des Galiciens, une fête traditionnelle dans cette région. Toutes les cérémonies prévues à Saint-Jacques ont été annulées.

Très vite, de longs convois d'ambulances, gyrophares allumés, se sont formés, dans une course contre la montre pour évacuer les blessés. La nuit venue, toutes les routes environnantes étaient envahies par un ballet d'ambulances, sirènes hurlantes, tandis que sur les voies, les secouristes casqués, vêtus de gilets jaunes, armés de pics, tentaient de se frayer un chemin dans les tôles froissées.

Un bâtiment municipal a été mis à disposition des familles, qui pouvaient y recevoir les conseils de psychologues et des informations. Les autorités locales ont lancé un appel aux dons du sang.

Un homme attendait jeudi matin des nouvelles de deux amis qui étaient dans le train, un couple d'étudiants âgés de 21 ans. «Nous pensons qu'ils sont morts», confiait-il, au bord des larmes. «Leurs parents sont à l'intérieur, ils sont effondrés».

Cette catastrophe ferroviaire est l'une des plus graves jamais survenues en Espagne. En 1944, une collision entre un train qui se rendait lui aussi de Madrid en Galice et une locomotive avait fait des centaines de morts. En 1972, 77 personnes avaient été tuées dans le déraillement d'un train reliant Cadix à Séville, en Andalousie.