Les manifestations antigouvernemenales et contre «l'oligarchie», qui secouent la Bulgarie depuis 40 jours, se sont durcies avec le siège du Parlement, mais les socialistes, soutenant le gouvernement, rejettent toujours la demande d'élections anticipées.

Environ 2000 manifestants ont bloqué une trentaine de députés et trois ministres au Parlement pendant neuf heures à l'issue d'une réunion de commissions sur une révision du budget mardi en fin d'après-midi.

Une première tentative d'évacuation par un car de la police a échoué mardi soir, provoquant des accrochages, qui ont fait une vingtaine de blessés, dont cinq policiers.

Le siège du Parlement n'ayant été levé que tôt dans la matinée de mercredi, la réunion du Parlement prévue aujourd'hui a été annulée.

Le président Rossen Plevneliev, issu du parti conservateur Gerb, a appelé mercredi à «préserver le caractère tolérant des protestations. Il n'existe pas d'objectif qui justifie la violence», a-t-il souligné, appelant les partis présents au Parlement à «chercher des voies pour surmonter la situation difficile».

De son côté, le premier ministre sans étiquette Plamen Orecharski s'est terré dans le silence.

Des manifestants ont accusé mercredi le ministre de l'Intérieur Tsvetlin Yovtchev (sans étiquette) de les avoir provoqués avec la première tentative d'évacuation.

«Les policiers, qui ne se sont pas reposés depuis 40 jours, sont victimes, car nos revendications raisonnables sont ignorées par le gouvernement», a regretté Assia Stoïanova, une avocate protestataire, citée par un site internet anti-gouvernement, Norecharski.com.

Tsvetlin Yovtchev, a, lui, comparé ces accrochages à des «pogroms».

Sur les réseaux sociaux, les manifestants appelaient à se réunir mercredi soir encore plus nombreux, «mères, enfants, grand-parents» pour «montrer que nous n'avons pas peur» et «que nous voulons un État européen normal».

«Des élections immédiates reproduiront le statu-quo au Parlement», a affirmé le chef de file des socialistes, Serguei Stanichev, refusant de céder aux appels. De nombreux manifestants sont issus de mouvements de la société civile réclamant depuis le 14 juin la démission du gouvernement, tout en dénonçant «l'oligarchie» qui, selon eux, dirige en fait le pays.

Serguei Stanichev a accusé l'ancien Premier ministre conservateur Boïko Borissov, qui avait démissionné en février sous la pression de la rue, d'avoir organisé «les provocations» de mardi soir. Pour le dirigeant socialiste, Boïko Borissov table sur de nouvelles élections afin de retrouver le pouvoir avec son parti Gerb.

Mais, des voix dissonantes se sont élevées au sein même des socialistes: «Il faut de nouvelles élections pour permettre un débat» sur l'avenir du pays, a écrit le député européen socialiste et ex-ministre des Affaires étrangères Ivaïlo Kalfin sur sa page Facebook.

Et, les deux principaux syndicats, KNSB et Podkrepa, se sont joints mercredi à la demande d'élections anticipées.

Une deuxième vague de protestations après celle de février, a éclaté le 14 juin, après la nomination à la tête de l'Agence nationale de sécurité (DANS) d'un député du MDL, le sulfureux Delyan Peevski, un magnat de la presse.

«Les gens protestent contre le modèle du pouvoir, un mélange d'économie, de criminalité et de politique» et cette mixture issue de l'écroulement «du régime totalitaire (en 1989) trouve son expression dans tous les partis» représentés au Parlement, a déclaré à l'AFP le politologue Tsvetozar Tomov. «L'issue est incertaine. Des élections anticipées paraissent inévitables, cet automne, si la tension continue à augmenter, ou au printemps», a-t-il ajouté. «Une agonie nous attend pendant des années, avant que ce modèle ne soit transformé».

Les manifestants reportent leurs espoirs sur un soutien européen. La commissaire européenne à la Justice Viviane Reding, qui a rencontré des citoyens mardi à Sofia, avait été accueillie par les protestataires avec des banderoles «Sauvez-nous!». «L'oligarchie et la démocratie sont des ennemis mortels», a-t-elle souligné.

La Commission européenne a dit «avoir suivi avec inquiétude les événements de la nuit dernière à Sofia». Elle a demandé «aux deux côtés, de faire preuve de retenue», selon son porte-parole, Olivier Bailly.