La justice française a ordonné la saisie d'une partie des biens de l'homme d'affaires Bernard Tapie inculpé pour «escroquerie en bande organisée» dans une affaire d'arbitrage dans laquelle est impliquée la directrice du FMI, Christine Lagarde, à l'époque ministre des Finances et de l'Économie de Nicolas Sarkozy.

Cette mesure relativement fréquente dans les enquêtes financières était attendue après la mise en examen le 28 juin de l'homme d'affaires.

Elle doit notamment permettre, dans l'hypothèse où l'information judiciaire donnerait lieu à un procès puis à des condamnations, que des fonds soient disponibles pour une éventuelle indemnisation des parties civiles.

Bernard Tapie a aussitôt vivement contesté cette saisie : «On ne peut pas accepter des décisions comme ça», a-t-il dit dans un entretien à la chaine de télévision i-Télé et la radio Europe 1.

«Je ne savais pas qu'on vivait dans un pays où on peut exécuter des gens avant d'avoir été jugés», s'est-il indigné, évoquant de nouveau la thèse d'un complot le visant.

Une source proche du dossier a indiqué à l'AFP que Bernard Tapie avait d'ores et déjà fait appel de cette saisie.

Homme d'affaires sulfureux, ancien ministre sous la présidence de François Mitterrand, ex-patron du club de football de l'Olympique de Marseille, acteur et désormais patron de presse, Bernard Tapie, 70 ans, est mis en cause dans l'enquête sur l'arbitrage controversé de son litige avec la banque du Crédit Lyonnais dans la vente de l'équipementier sportif Adidas, qui lui avait octroyé 403 millions d'euros (545 millions de dollars) en 2008.

Les juges d'instruction soupçonnent l'arbitrage d'avoir été truqué au profit de l'homme d'affaires.

Cette affaire a réveillé en France le spectre du conflit d'intérêts entre politique et monde des affaires. Certains soupçonnent l'ancien président Nicolas Sarkozy d'avoir favorisé Bernard Tapie pour le remercier de son soutien lors de la campagne de 2007.

Pour Bernard Tapie, qui a été placé en garde à vue durant quatre jours consécutifs fin juin, l'enquête se résume à un «complot» le visant et à travers lui Nicolas Sarkozy et «il n'y a rien» dans le dossier.

L'homme d'affaires a d'ailleurs promis d'annuler l'arbitrage si l'enquête révélait «la moindre entourloupe», «tellement je suis certain qu'il n'y a pas eu de magouille».

Insolvabilité

Christine Lagarde, ministre des Finances et de l'Économie de l'époque, aujourd'hui patronne du Fonds monétaire international (FMI) a été placée dans cette affaire sous le statut de témoin assistée, intermédiaire entre celui d'inculpée et de témoin.

Depuis 2008, Christine Lagarde a toujours revendiqué la responsabilité de l'arbitrage et la décision de renoncer à en demander l'annulation, en invoquant sa volonté de mettre fin à une procédure longue et coûteuse.

Il lui est reproché d'avoir recouru à un arbitrage privé alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres et d'avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral, ce qui avait permis aux époux Tapie de toucher 45 millions d'euros (près de 61 millions de dollars) supplémentaires.

Fin mai, le conseil d'administration du FMI a «réaffirmé sa confiance dans les capacités de la directrice générale à assumer efficacement ses fonctions».

Parmi les biens de Bernard Tapie visés par les juges parisiens, figurent notamment, selon le quotidien Le Monde, deux assurances-vie souscrites en novembre 2008 et dont la valeur de rachat est estimée par les enquêteurs à 20,7 millions d'euros (environ 28 millions de dollars), les parts sociales de l'homme d'affaires dans un hôtel particulier situé rue des Saint-Pères à Paris, à hauteur de 69,3 millions d'euros (93,9 millions de dollars), ou encore la villa à Saint-Tropez que M. Tapie avait achetée en 2011 pour 48 millions d'euros (65 millions de dollars).

Les juges ont également demandé la saisie de six comptes en banque, d'un contrat d'assurance-vie détenu par le holding Groupe Bernard Tapie (GBT) domicilié à Bruxelles et des parts de M. Tapie dans le Groupe Hersant Media.

De source proche de l'enquête, on expliquait mercredi qu'une telle saisie visait notamment à éviter que M. Tapie «n'organise son insolvabilité». S'il conserve la jouissance des biens saisis, il ne peut désormais plus les vendre.