Le procès du commandant du Concordia, Francesco Schettino, s'est ouvert mardi à Grosseto (Toscane), mais a été aussitôt reporté pour cause de grève des avocats, un an et demi après le naufrage du paquebot qui avait fait 32 morts.

Lunettes de soleil et costume bleu électrique, M. Schettino, 52 ans, a donné des signes de nervosité en se présentant au tribunal, installé dans le Théâtre Moderne de Grosseto en raison de la forte affluence prévue dans les mois qui viennent.

Objet de toutes les critiques, «l'homme le plus détesté d'Italie» -surnommé par les tabloïds britanniques «Capitaine couard»- est poursuivi pour homicides multiples par imprudence, abandon de navire et dommages causés à l'environnement.

La première audience n'a duré qu'une quinzaine de minutes le temps de fixer une nouvelle date, le 17 juillet, pour l'ouverture effective du procès.

De façon suggestive, le collège de magistrats a été installé sur la scène du théâtre et domine l'assistance, sous une banderole frappée de la maxime des tribunaux italiens: «La loi est la même pour tous».

«Un homme cherche à s'expliquer»

Dans une interview au journal Il Messaggero, M. Schettino a expliqué sa venue mardi à Grosseto pour demander que les télévisions soient bannies du tribunal. «Cela risque d'être encore un show médiatique (..) ce n'est pas une fête de village, il y a des gens qui sont morts et un homme qui cherche à expliquer», a-t-il argué.

«Il y a eu une erreur d'interprétation sur l'histoire de l'abandon, le navire était incliné à 90 degrés, (M. Schettino) est tombé» dans une chaloupe de sauvetage, a souligné l'un des avocats de M. Schettino, Domenico Pepe, en affirmant que l'ex-capitaine «a toujours fait de son mieux et était l'un des commandants les plus respectés».

Ce procès fleuve, qui comporte 400 témoins et 250 parties civiles, devrait durer des mois.

M. Schettino risque de se retrouver seul sur le banc des accusés, les cinq autres personnes mises en cause -le directeur de l'unité de crise de Costa Roberto Ferrarini, le timonier indonésien Jacob Rusli Bin et trois membres d'équipage- ayant obtenu le feu vert du Parquet pour une peine négociée. Le juge devait les déterminer lundi mais l'audience a été reportée au 20 juillet en raison de la grève.

«Tout n'est peut-être pas de sa faute»

Daniele Bocciolini, avocat de parties civiles, est convaincu que le tribunal n'acceptera pas toutes ces peines négociées. «Le problème n'est pas seulement la manoeuvre mais la confusion au moment de l'abandon. Nous espérons arriver à la vérité, ce n'est pas facile avec un procès aussi médiatique», a indiqué l'avocat. «Il faut réussir à faire justice pour les familles et les enfants qui se réveillent la nuit et rêvent qu'ils font naufrage». Cet avocat dit avoir cherché à «expliquer aux familles que Schettino n'est pas le seul responsable».

Les habitants de Grosseto montrent aussi une certaine sympathie pour le capitaine. «C'est trop facile de crucifier Schettino», estime Maria, 28 ans, interrogée dans un bar. «Tout n'est peut-être pas de sa faute», ajoute Giacomo Melluso, en déchargeant de la nourriture devant un magasin.

Parmi les 347 témoins de l'accusation figurent Domnica Cemortan, une danseuse moldave qui était sur le pont de commandement avec Schettino au moment du naufrage, et Gregorio De Falco, le chef de la capitainerie du port de Livourne qui avait sommé en termes très crus le capitaine de remonter à bord du navire.

Les avocats de M. Schettino ont pour leur part cité une centaine de témoins.

Dans la nuit du 13 janvier 2012, le Costa Concordia avait heurté un écueil près de la côte et s'était échoué sur des rochers à quelques dizaines de mètres de l'île toscane du Giglio avec à son bord 4.229 personnes. Trente-deux personnes avaient trouvé la mort, dont deux n'ont jamais été retrouvées.

Parmi les parties civiles figurent Costa Croisières, propriétaire du navire, l'État italien ainsi que l'île du Giglio, où l'énorme épave gît, attendant son renflouement, une véritable prouesse technique prévue désormais pour août-septembre.

Même si la plupart ont accepté une indemnisation standard de 11 000 euros (près de 15 000 $), des dizaines de rescapés ont entamé des poursuites devant des tribunaux civils contre Costa.

En Italie, la compagnie a été condamnée en avril à une amende d'un million d'euros (1,35 million de dollars) au terme d'une procédure négociée au cours de laquelle elle a reconnu sa responsabilité administrative, ce qui lui permet d'échapper à un procès au pénal.