Le premier ministre français Jean-Marc Ayrault a écrit jeudi à Jérôme Cahuzac, mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale, pour lui demander de «renoncer à ses indemnités» d'ancien ministre, a-t-il annoncé sur son compte Twitter.

Les anciens ministres touchent des indemnités pendant six mois après leur départ du gouvernement, sauf s'ils retrouvent une activité rémunérée. C'est à ce traitement que doit renoncer Jérôme Cahuzac, qui a reconnu mardi avoir menti et possédé un compte secret en Suisse, selon le chef du gouvernement.

En fonction, un ministre français touche 9940 euros (près de 13 000 $) bruts mensuels.

La gauche au pouvoir en France est au centre d'un séisme politique après l'aveu mardi de Jérôme Cahuzac, qui a porté un coup aux promesses d'exemplarité du président François Hollande.

Le chef d'État a annoncé mercredi une série de mesures sur la moralisation de la vie publique, qui ont été jugées insuffisantes par l'opposition de droite, l'extrême droite et la gauche radicale.

Certains journaux citent des ministres sous couvert d'anonymat évoquant un possible remaniement ministériel.

Cette affaire affaiblit encore un peu plus un président au plus bas dans les sondages. Selon une enquête de l'institut TNS Sofres réalisée avant le déclenchement de l'affaire Cahuzac, la cote de confiance de François Hollande est tombée en mars à 27 %, le plus bas taux jamais enregistré depuis 1981 par un président au 11e mois de son mandat, plombé par les mauvais chiffres du chômage.

Une enquête à la «vitesse record»

Le Parquet de Genève a pu satisfaire à la demande de la justice française dans l'affaire Jerôme Cahuzac en deux semaines, une rapidité remarquée qui doit à la fermeté des magistrats dans les affaires de corruption, mais aussi à l'absence de recours de la part de l'ex-ministre français du Budget.

«L'enquête s'achève et à une vitesse record», a souligné la télévision publique suisse romande (RTS). Pour le procureur responsable, ceci n'a rien d'exceptionnel.

Mercredi, le procureur Yves Bertossa a affirmé dans un point de presse que «si cette affaire avait eu lieu il y a cinq ou six ans, la démarche aurait été exactement la même». Il a confirmé l'existence d'un compte bancaire non déclaré, suite à des perquisitions menées dans deux banques le 22 mars en réponse à une demande de la justice française reçue deux jours plus tôt et immédiatement jugée recevable.

«En terme de justice aujourd'hui, la moindre obligation de chaque autorité judiciaire est de répondre avec la plus grande diligence à une demande», a-t-il dit.

Il a rappelé que le secret bancaire ne pouvait pas être invoqué dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire et souligné que le cas était considéré en droit suisse comme une «escroquerie fiscale», une infraction pénale. Il a évoqué le recours à des prête-noms ou a des sociétés, tout en réservant les détails pour le Parquet de Paris. Le journal français Le Monde et la télévision suisse ont ensuite affirmé que le compte avait été ouvert dans la banque UBS à Genève en 1992 au nom d'un avocat d'affaires français Philippe Péninque et n'avait été mis au nom de l'ex-ministre qu'un an plus tard. Le compte avait été transféré à Singapour en 2009.

La procédure a aussi gagné beaucoup de temps avec l'acceptation mercredi par M. Cahuzac via son avocat suisse de la transmission des documents saisis au Parquet de Paris. «Il a donc accepté, ce qui simplifie la procédure d'entraide et permet de gagner plusieurs semaines, ce qui est à mettre à son crédit», a relevé le procureur Bertossa.