À la boutique de souvenirs Lovermont, à Burlington, on trouve des grenouillères affichant le slogan «Les bébés pour Bernie Sanders», des t-shirts ornés des lunettes et des cheveux ébouriffés du fougueux sénateur du Vermont, et même des caleçons à son effigie.

«J'en vendais par centaines durant les semaines précédant Noël », se souvient le gérant du magasin, Michael Finnigan. Depuis, les ventes ont un peu ralenti, mais l'engouement pour le candidat à l'investiture démocrate ne se dément pas.

Il suffit d'évoquer son nom dans les boutiques et cafés de la rue Church, voie piétonne au centre-ville de Burlington, pour recueillir des commentaires admiratifs, vantant son authenticité, la persistance avec laquelle il pourfend les grandes entreprises et son engagement ininterrompu en faveur de la justice sociale.

«Son message est en phase avec les soucis de la majorité des gens, et il n'ajuste pas ses idées pour gagner des votes», opine Tamah Augen, vendeuse dans une boutique de vêtements et de bijoux.

«Depuis toujours, il dénonce les entreprises qui coupent leurs investissements aux États-Unis et envoient les emplois à l'étranger», ajoute David Bergevin, employé d'entretien à l'Université du Vermont.

DE MAIRE À SÉNATEUR

Les Vermontais votent pour Bernie Sanders depuis plus de trois décennies. Il a été tour à tour maire de Burlington, représentant à la Chambre, puis sénateur. À la dernière élection, en 2012, celui qui se décrit comme un socialiste et promet une «révolution démocratique» a récolté 71 % des voix. Un résultat remarquable pour ce politicien longtemps indépendant des deux grands partis nationaux, qui a remporté sa première élection, celle à la mairie de Burlington, en 1981.

Ses électeurs rappellent ses réalisations à la mairie, dont une politique de protection des berges du lac Champlain, la construction de logements sociaux, l'engagement pour les arts et la culture. Ils vantent son accessibilité, son intégrité, la clarté de ses idées et la persévérance avec laquelle il dénonce, discours après discours, les inégalités sociales.

Un message qui l'a longtemps confiné à la marginalité. Mais qui rejoint de plus en plus de gens à mesure que les inégalités se creusent aux États-Unis, au point de mettre en péril la survie même de la classe moyenne.

DES CHANCES CONTRE HILLARY ?

L'actuelle course à l'investiture démocrate, où il talonne la favorite Hillary Clinton, l'a propulsé au rang de phénomène national. Fébriles, les habitants de ce petit État de 600 000 habitants retiennent leur souffle. Si ce politicien atypique devait remporter les caucus de l'Iowa, aujourd'hui, et les primaires du New Hampshire, la semaine prochaine, comme le laissent croire les sondages, peut-être aura-t-il vraiment une chance de battre Hillary Clinton ?

Ce scénario reste très hypothétique. «Il y a beaucoup de fébrilité au Vermont, les gens ont beaucoup d'espoir pour Bernie Sanders, mais la majorité ne pense pas qu'il puisse vraiment devenir le candidat démocrate à la présidence», nuance April Burbank, journaliste au Burlington Free Press.

Bernie Sanders rejoint surtout la frange progressiste, blanche et intellectuelle du Parti démocrate, souligne le politologue Eric Davis, professeur au collège de Middlebury et spécialiste de la politique du Vermont. Selon lui, pour espérer battre Hillary Clinton, il devra convaincre les Noirs, les Latinos et les cols bleus. La partie est loin d'être gagnée.

PHOTO EVAN VUCCI, AP

La course à l'investiture démocrate, où Bernie Sanders talonne Hillary Clinton, a propulsé ce dernier au rang de phénomène national.

Bernie Sanders a des chances de remporter l'Iowa et le New Hampshire, deux États très homogènes, opine son collègue de l'Université du Vermont Garrison Nelson. Mais une fois que les primaires se déplaceront dans des États comptant une forte proportion de minorités, comme la Caroline-du-Sud ou la Californie, la vague de «berniemania» frappera un mur.

«Au Vermont, beaucoup de gens nourrissent le fantasme qu'il gagnera l'investiture démocrate, mais ils se trompent», tranche Garrison Nelson.

UN ENTHOUSIASME CONSTANT

Deborah Richter, médecin qui milite en faveur du sénateur socialiste, ne se laisse pas décourager par ces bémols. Avec un enthousiasme qui n'est pas sans rappeler le climat de la première campagne présidentielle de Barack Obama, elle quitte tous les week-ends sa maison de la capitale du Vermont, Montpelier, pour aller faire campagne pour Bernie Sanders au New Hampshire.

Elle ne tarit pas d'éloges sur le candidat de 74 ans. «Il est chaleureux, empathique, il rejoint des gens de toutes les classes sociales, et il est le seul à reconnaître à quel point la pauvreté peut être débilitante», énumère-t-elle.

Comme d'autres partisans du sénateur Sanders, elle espère que deux victoires, au début du processus des primaires, créeront une impulsion qui fera mentir les analystes.

Déjà, personne n'avait prévu que Bernie Sanders se classerait aussi bien dans les sondages, rappelle Tamah Augen, commerçante de Burlington. Hier, à la veille des caucus de l'Iowa, elle était convaincue que tout pouvait encore arriver. Et même si la popularité de Bernie Sanders devait se démentir en cours de route, il aurait déjà accompli l'impossible.

«Le fait qu'il ait atteint la position dans laquelle il se trouve aujourd'hui, c'est plus gros que Woodstock, plus gros que la révolution sexuelle», s'exclame cette femme qui croit que peu importe ce que lui réserve l'avenir, Bernie Sanders a déjà réussi à faire bouger «les plaques tectoniques» de la politique américaine.