Il y a 50 ans, le 28 août 1963, le pasteur Martin Luther King prononçait un discours à Washington, «Je fais un rêve», qui devait marquer profondément la société américaine et le mouvement des droits civiques.

Les États-Unis, comme souvent, ont fait les choses en grand : ce n'est pas une seule journée que les héritiers du pasteur noir consacrent à l'anniversaire de l'événement, mais près d'une semaine.

Samedi, 150 000 personnes sont attendues sur le National Mall, la grande pelouse qui relie le Congrès au mémorial duquel une immense statue d'Abraham Lincoln toise le visiteur. C'est aussi le lieu depuis lequel le révérend King avait lancé par une journée de fin d'été de 1963 la formule qui a accompagné le combat des Noirs américains pour la reconnaissance de leurs droits dans ces turbulentes années 60, tout autant marquées par la guerre du Vietnam, l'assassinat de John F. Kennedy que celui de Martin Luther King lui-même, en avril 1968.

Quatre jours plus tard, mercredi, soit le jour anniversaire, les cloches des églises se mettront à sonner à travers les États-Unis au moment où Barack Obama, le premier président noir du pays, prononcera un discours depuis les marches du Mémorial Lincoln.

Bien évidemment, une pléthore d'événements, de débats, de discussions, permettra aux Américains de s'interroger sur l'état des relations entre les différentes communautés qui composent les États-Unis.

«J'ai toujours dit que nous avions accompli d'énormes progrès dans ce pays. Ceci dit, croire que le travail est fini c'est, au mieux, faire preuve de bêtise et de naïveté», déclare Al Sharpton, un militant de longue date de la cause noire et co-organisateur de la manifestation de samedi. Il se tiendra aux côtés de Martin Luther King III, le fils du révérend, le ministre de la Justice Eric Holder et la famille de Trayvon Martin, l'adolescent noir tué l'an dernier en Floride par un vigile de quartier.

«L'égalité maintenant!»

Le 28 août 1963, environ 250 000 personnes, toutes origines ethniques confondues, s'étaient déplacées jusque sur le National Mall, entonnant le slogan «L'égalité maintenant!» et chantant «We Shall Overcome» («Nous vaincrons»), lors de cette marche dont l'intitulé originel était «Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté».

Parmi les millions d'Américains collés à leur téléviseur, John F. Kennedy, le président démocrate qui jusqu'à ce jour torride d'août renâclait à l'heure de faire voter des lois audacieuses mettant un terme à la ségrégation dans les États du Vieux Sud.

Ce jour-là, Martin Luther King, 34 ans, était le dernier orateur. Et c'est en s'écartant du texte qu'il avait sous les yeux qu'il lança son célèbre : «Je fais un rêve, celui qu'un jour cette nation se lèvera et se mettra à vivre pleinement son Credo : "Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que les hommes naissent égaux."»

«I Have a Dream» est aujourd'hui gravé sur les marches du monument à l'endroit précis où Martin Luther King avait prononcé son discours, à l'orée de la promulgation des lois sur les droits civiques par le président Lyndon B. Johnson en 1964 et 1965.

Cinquante ans plus tard, «le travail entamé lors de la marche de 1963 est loin d'être terminé», estime Benjamin Jealous de la NAACP, une des principales associations de défense des droits des Noirs.

«Le droit de vote est cible d'attaques, le taux de chômage des Noirs continue à grimper en flèche et des milliers d'enfants noirs vivent dans des quartiers paupérisés et vont dans des écoles où n'existe aucune mixité raciale», ajoute-t-il.

Les Noirs américains, qui comptent pour 14,2 % de la population, sont toujours en queue de peloton en termes socio-économiques. Selon les chiffres officiels, 12,6 % d'entre eux étaient au chômage en juillet, contre 7,4 % en moyenne pour la population américaine.

Mais en 50 ans, le pourcentage de Noirs qui vivent en dessous du seuil de pauvreté est passé de 41,8 % à 27,6 %.