Dans la prison controversée de Guantanamo, les détenus enfermés sans charge ni procès sont en grève de la faim depuis six mois exactement. Un mouvement «sans-précédent par sa durée et sa magnitude» qui semble aujourd'hui amorcer un déclin.

Alors que sous le soleil cuisant de Guantanamo, la majorité des prisonniers observent le ramadan, un tiers d'entre eux était considéré en grève de la faim mardi par les autorités de la prison américaine. Sur une population de 166 hommes emprisonnés dans cette enclave reculée louée à Cuba depuis le XIXe siècle, 57 refusaient encore de s'alimenter six mois, jour pour jour, après le déclenchement du mouvement, selon le bilan quotidien de la prison.

Au plus fort de la grève, en juin, le mouvement était suivi par 108 détenus selon les critères de l'autorité pénitentiaire, qui prend en compte les prisonniers refusant d'absorber neuf repas consécutifs. «Cette grève de la faim est sans précédent par sa durée et par sa magnitude», a reconnu le capitaine Robert Durand, le porte-parole de la prison, en accord avec le qualificatif employé par l'avocat David Remes, qui défend une quinzaine de clients dans les geôles de Guantanamo. «Ce qu'ils veulent cette fois, c'est ne plus être détenu», a commenté le capitaine Durand, lors d'un entretien conduit sur la base navale. «C'est bien différent des grèves de la faim de 2005 et 2006 où ils parlaient de leurs conditions de détention». Une fouille du camp 6, érigé sur une des collines arides, a mis le feu aux poudres, le 6 février, quand des gardiens ont examiné des corans d'une manière jugée blasphématoire par les prisonniers. Mais, depuis six mois, les avocats arguent que c'est surtout leur détention illimitée depuis 11 ans, sans inculpation ni procès, que dénoncent la plupart des protestataires.

Une «victoire», mais à quel prix?

«Plusieurs facteurs expliquent cette chute dans le décompte des militaires», déclare à l'AFP David Remes. «Je présume que de nombreux hommes ont obtenu ce qu'ils voulaient. Car la grève a permis d'attirer à nouveau l'attention sur Guantanamo et de pousser le président Obama à l'action», observe-t-il. «Qu'il s'agisse du discours du président, des déclarations de leurs avocats ou de la nomination d'un nouvel ambassadeur pour recommencer le processus diplomatique, nous pensons que certains pensent avoir atteint leur objectif», abonde le capitaine Durand.

Fin mai, en plein essor de la grève, Barack Obama a réitéré sa promesse de fermer Guantanamo, levé le moratoire sur le transfèrement des 56 détenus yéménites «libérables» et nommé un envoyé spécial sur les rapatriements. Sur les 166 détenus de Guantanamo, 86, toutes nationalités confondues, ont en effet reçu le feu vert des autorités militaires américaines pour un transfèrement vers leur pays d'origine. Cependant, «le seul moyen de résoudre le problème de Guantanamo, est que Barack Obama libère des détenus», renchérit Me Remes. Alors, les prisonniers «auront remporté une victoire, mais elle leur aura coûté cher». «De nombreux hommes ne peuvent simplement plus continuer à endurer les épreuves mentales et physiques». Car, derrière les murs étanches des camps 5 et 6, 41 grévistes sont encore alimentés de force, dont un était hospitalisé mardi. Les détenus, dont la perte de poids est trop importante, sont ainsi attachés à une chaise et se voient insérer par le nez un tube jusque dans l'estomac pour y faire passer des nutriments. Et si les militaires affirment d'une seule voix que la procédure n'est pas douloureuse et que la plupart s'y plient volontairement, «les grévistes de la faim perdent leur droit à vivre en communauté», admet le capitaine Durand.

Avec le ramadan, les responsables de la prison ont accordé leur «clémence», effacé l'ardoise disciplinaire et permis à certains de prier ensemble. «Le ramadan se termine ce week-end», ajoute l'officier de la US Navy, «reste à voir si les détenus resteront hors de la grève de la faim ou y retourneront».