Le Pentagone a dévoilé lundi le statut de chacun des 166 détenus de Guantanamo, en particulier des 46 d'entre eux qui sont en «détention illimitée» sans inculpation ni procès mais considérés comme trop dangereux pour être libérés.

Cette liste de 15 pages, dont l'AFP a obtenu une copie, a été rendue publique à la suite d'une plainte du Miami Herald en vertu de la loi sur le droit de la presse à être informée (FOIA).

Elle livre le statut des détenus tel qu'établi au 22 janvier 2010 après un état des lieux ordonné par le président américain Barack Obama, a indiqué Todd Breasseale, un porte-parole du Pentagone.

Sur les 166 encore enfermés dans les geôles de Guantanamo, 46 détenus sont en «détention illimitée», une forme de statut de prisonniers de guerre qui ne peuvent pas être poursuivis faute de preuves, ni libérés en raison du danger qu'ils représentent pour les États-Unis.

Selon la liste, qui révèle l'identité, la nationalité et le statut de tous les prisonniers, 26 de ceux en «détention illimitée» sont yéménites, 12 sont afghans, 3 saoudiens, 2 koweïtiens, 2 libyens, un kenyan, un marocain et un somalien.

Parmi eux figurent des grévistes de la faim participant à un mouvement sans précédent par sa durée et son ampleur --104 prisonniers observent ce jeûne qui dure depuis plus de quatre mois, dont 44 étaient alimentés de force lundi-- pour protester contre ce système de détention illimitée pratiqué depuis plus de 11 ans à Guantanamo.

De plus, 86 autres hommes, toujours enfermés dans cette prison érigée à Cuba à des milliers de kilomètres des côtes américaines, ont été jugés libérables, dont une majorité de Yéménites.

Leurs noms avaient été dévoilés le 21 septembre 2012 mais «jusqu'à présent les statuts (des autres détenus) n'avaient pas été rendus publics», a ajouté le lieutenant-colonel Breasseale dans un courriel à l'AFP.

La liste donne en outre le nom et la nationalité des 34 détenus qui, selon l'administration Obama, devraient être poursuivis devant la justice. Huit d'entre eux sont déjà inculpés ou traduits devant un tribunal militaire, dont les cinq accusés du 11-Septembre et le cerveau présumé de l'attentat contre le navire américain USS Cole.

Mais le procureur militaire Mark Martins a jugé dimanche que tous ces 34 hommes ne seraient probablement pas inculpés, la justice fédérale ayant annulé des condamnations pour «soutien matériel au terrorisme», une charge qui ne peut être classée comme un crime de guerre.

«Il est fondamental pour la démocratie que le public connaisse les identités des personnes que notre pays prive de liberté et les raisons pour lesquelles ils sont détenus», a estimé Dixon Osburn de Human Rights First.

«Les États-Unis détiennent certains hommes à Guantanamo depuis plus d'une décennie. Cette révélation aujourd'hui est bienvenue, bien qu'attendue depuis longtemps», a-t-il ajouté. «L'administration doit faire usage de son pouvoir en vertu de l'actuelle législation pour transférer immédiatement les 86 détenus mis hors de cause».

Dans un discours, le 23 mai, le président Barack Obama a réitéré son intention de fermer Guantanamo, promesse de campagne de 2008 jamais concrétisée. Il a annoncé la levée de son moratoire sur les transfèrements des Yéménites et la nomination d'un responsable chargé de superviser le retour de ceux qui sont libérables, dont le nom a été dévoilé lundi par le département d'État: le juriste Cliff Sloan.