Des médecins et juristes américains ont lancé mercredi un appel pour que les militaires cessent d'alimenter de force les prisonniers grévistes de la faim à Guantanamo, rappelant que cette pratique est contraire à l'éthique médicale et représente un mauvais traitement.

Le corps médical américain est resté généralement silencieux sur ces pratiques qui «sont une violation de l'éthique médicale qui devraient être dénoncées par la profession», écrivent ces experts de bio-éthique de la faculté de médecine de l'Université de Boston dans une tribune publiée dans la prestigieuse revue médicale New England Journal of Medicine.

Sur les 166 prisonniers restant à Guantanamo, 104 font à ce jour la grève de la faim, dont 43 sont alimentés de force par des tubes naso-gastriques, selon le porte-parole de la prison.

«Il n'est pas éthique pour des médecins de forcer des adultes consentants, en possession de toutes leurs facultés mentales, à s'alimenter, mais ils doivent continuer à dispenser les soins médicaux nécessaires», explique le juriste George Annas, un des co-signataires de cette lettre ouverte.

Outre le fait que cette pratique soit contraire à l'éthique médicale, elle constitue aussi «une forme de mauvais traitement qui doit cesser», insistent les auteurs de la lettre, un médecin et deux juristes.

Ils exhortent le gouvernement américain à adopter des critères de soins, des politiques et des procédures concernant les détenus faisant la grève de la faim qui soient conformes à l'éthique établie de la profession médicale et aux critères de soins.

Le Pentagone a dépêché environ 40 personnels médicaux supplémentaires à la prison de Guantanamo pour aider à nourrir de force les prisonniers faisant la grève de la faim, rappellent-ils en le déplorant.

«Coups et blessures»

Le président Barack Obama avait pourtant lui-même critiqué cette pratique, le 23 mai, en réitérant sa volonté de fermer Guantanamo.

«Nous alimentons de force des prisonniers faisant la grève de la faim (...) est-ce que cela nous ressemble, est-ce l'Amérique que nous voulons laisser à nos enfants?» avait déclaré le président Obama, «notre sens de la justice est plus fort que cela».

«Les médecins à Guantanamo ne peuvent pas permettre aux militaires de les utiliser à des fins politiques et prétendre en même temps se conformer à leurs obligations éthiques», jugent les trois auteurs de la lettre.

«Alimenter de force une personne adulte qui refuse de se nourrir en sachant ce qu'elle fait (...) revient à lui infliger des coups et blessures», insistent encore ces experts.

Dans une autre lettre publiée mercredi dans le New England Journal Of Medicine, le spécialiste d'éthique, Michael Gross, professeur de science politique à l'Université de Haifa en Israël, est plus nuancé.

Il explique que «la grève de la faim est un acte de contestation politique non-violent qui n'est pas l'expression du désir de mourrir» et que «l'alimentation forcée devrait être rare, seulement après l'échec de sérieuses négociations» et ce pour éviter que les grévistes ne meurent.

Par ailleurs, l'ONG américaine Human Rights First, a pressé mercredi l'administration Obama dans une lettre au secrétaire général de la Maison-Blanche, Dennis McDonough, de mettre en oeuvre des mesures spécifiques pour  fermer Guantanamo.

M. McDonough s'est récemment rendu dans cette base militaire avec les sénateurs républicain John McCain et démocrate Dianne Feinstein.