L'avion du président bolivien Evo Morales, contraint de faire escale à Vienne, car soupçonné de transporter l'analyste américain en fuite Edward Snowden, a quitté l'aéroport autrichien mercredi, en fin de matinée, a constaté un journaliste de l'AFP.

L'avion, bloqué depuis mardi soir, est reparti mercredi vers 9 h 45 GMT (5 h 45, heure de Montréal). Il doit faire escale aux îles Canaries avant de rejoindre la Bolivie, avait indiqué M. Morales à la presse avant son départ.

L'Autriche et la Bolivie ont confirmé qu'Edward Snowden, réfugié dans un aéroport de Moscou, ne se trouvait pas à bord de l'appareil, arrivé à Vienne en provenance de Moscou.

L'imbroglio diplomatique s'est produit quelques heures après que M. Morales a déclaré, en marge d'une visite mardi à Moscou, que son pays était prêt à accueillir le fugitif recherché pour espionnage par les États-Unis.

Le président bolivien devait regagner dans la soirée La Paz mais son appareil a été contraint d'atterrir à Vienne après que le Portugal lui a initialement refusé une escale technique et la France le survol de son territoire, selon le ministre bolivien des Affaires étrangères, David Choquehuanca.

La Bolivie a affirmé que plusieurs pays européens avaient refusé dans un premier temps que l'appareil de M. Morales traverse leur espace aérien, soupçonnant qu'Edward Snowden se trouvait à bord de l'avion présidentiel, ce qui a été démenti par La Paz et les autorités autrichiennes à l'aéroport de Vienne.

Paris a «donné» puis «retiré» l'autorisation

Paris a «donné le 27 juin» puis «retiré» mardi soir l'autorisation de survol de son espace aérien par l'avion du président bolivien Evo Morales, a affirmé mercredi lors d'une conférence de presse l'ambassadeur de Bolivie en France, Jean Paul Guevara.

«Le permis de survol de la France avait été donné le 27 juin et a été retiré quand l'avion présidentiel était à quelques minutes de l'espace français», a affirmé M. Guevara.

«La France a fini par autoriser le survol de son espace aérien par l'avion de M. Morales», a déclaré de son côté la porte-parole du gouvernement français, Najat Vallaud-Belkacem, à l'issue du conseil des ministres hebdomadaire.

Elle s'est refusée à donner des détails sur le processus décisionnel et sur les motivations françaises d'autorisation comme de non-autorisation, renvoyant au ministère français des Affaires étrangères.

«L'autorisation de survol du territoire national a été accordée à l'avion du président bolivien», s'est borné à redire mercredi à la mi-journée Philippe Lalliot, porte-parole du Quai d'Orsay, lors d'un point de presse. Comme la porte-parole du gouvernement, il n'a donné aucun détail sur les différentes étapes ayant conduit Paris à donner une autorisation de survol après l'avoir retirée selon La Paz.

Tout comme la France,  le Portugal et l'Italie ont donné par la suite leur feu vert pour que l'avion du président bolivien puisse finalement emprunter leur espace aérien, a déclaré depuis l'Autriche le ministre bolivien de la Défense, Ruben Saavedra.

L'Espagne a fait de même, en autorisant une sescale de de l'appareil.

Auparavant, M. Morales avait indiqué que Madrid posait comme condition au survol de son territoire une inspection de l'appareil.

Mercredi matin, l'avion de M. Morales était toujours à l'aéroport de Vienne d'où il devait repartir en direction de La Paz.

«Actuellement, le gouvernement bolivien travaille à établir le plan de vol» pour le retour de M. Morales, a déclaré un porte-parole du ministère autrichien de l'Intérieur, Karl-Heinz Grundboeck.

À La Paz, le ministre bolivien des Affaires étrangères, David Choquehuanca, a critiqué «les rumeurs infondées sur la présence de M. Snowden dans cet avion», déplorant un «énorme mensonge».

«Nous voulons exprimer notre mécontentement, car la vie du président a été mise en danger», a-t-il déclaré, ajoutant que «des explications seraient exigées» à Lisbonne et Paris et que «les lois du trafic aérien avaient été violées».

Les péripéties du président Morales ont indigné les alliés de la Bolivie en Amérique Latine.

Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Elias Jaua, a condamné une agression «brutale, grossière et inappropriée» contre le chef de l'État bolivien.

De son côté, Ricardo Patiño, ministre des Affaires étrangères de l'Équateur, l'un des 21 pays où Snowden a demandé l'asile politique, a estimé que «cela semblait être une terrible offense au président Morales».

Edward Snowden a essuyé mardi un refus de la part de nombreux pays auxquels il a demandé l'asile politique. En contact étroit avec de nombreuses capitales, les États-Unis ont dit avoir «bon espoir» que l'ex-consultant de l'Agence américaine de sécurité nationale (NSA) rentre aux États-Unis.

L'ancien consultant de la NSA est à l'origine des révélations fracassantes sur un programme américain secret de surveillance des communications mondiales.

Invisible depuis son départ de Hong Kong il y a 11 jours, il a permis la publication le weekend dernier de nouvelles informations sur l'espionnage des communications de l'Union européenne, provoquant la colère des Européens. Ces révélations font aussi planer la menace d'un blocage des négociations pour un accord de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis.

Edward Snowden a reçu mardi le soutien de son père, Lon Snowden, qui a comparé son fils à un illustre patriote de la guerre d'indépendance américaine au 18e siècle, Paul Revere.