L'Équateur a renvoyé samedi à la Russie la responsabilité d'un transfert d'Edward Snowden, qui a sollicité l'asile politique à Quito, alors que la polémique sur le programme d'espionnage dénoncé par le fugitif américain s'étend désormais à l'Union européenne, qui en aurait aussi été la cible.

Auteur de révélations explosives sur les programmes de surveillance des télécommunications, l'ex-collaborateur de l'Agence nationale de sécurité (NSA) est coincé depuis une semaine à l'aéroport de Moscou, en provenance de Hong Kong, son passeport étant annulé par les États-Unis qui réclament son extradition pour espionnage.

«Pour l'instant, la solution, la destination de Snowden, est entre les mains des autorités russes», a affirmé le président équatorien Rafael Correa, estimant que le jeune informaticien de 30 ans avait révélé «le plus grand cas d'espionnage massif dans l'histoire de l'humanité».

Appelé Prism, le programme d'espionnage de la NSA aurait aussi visé des représentations de l'Union européenne à Washington et à l'ONU, voire à Bruxelles même, a révélé samedi l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui se fonde sur des documents obtenus grâce à l'ancien consultant américain.

Il s'agissait non seulement de micros installés dans le bâtiment, mais aussi d'une infiltration du réseau informatique qui lui permettait de lire les courriers électroniques et les documents internes.

Der Spiegel a également recueilli sur son site internet des réactions virulentes de personnalités européennes.

Le député européen écologiste Daniel Conh-Bendit a ainsi appelé à une rupture immédiate des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique, tant qu'un accord n'a pas été signé avec les États-Unis sur la protection des données.

Dans un communiqué, le président du Parlement européen, l'Allemand Martin Schulz, s'est dit samedi «profondément inquiet et choqué par les allégations d'espionnage des autorités américaines dans les bureaux de l'UE».

«Si ces allégations sont avérées, ce serait un problème extrêmement grave qui nuirait considérablement aux relations entre l'UE et les États-Unis», a-t-il ajouté en réclamant «une pleine clarification et des informations complémentaires rapides» de la part des autorités américaines.

Mercredi, l'UE avait déjà demandé à Washington de lui fournir «aussi rapidement que possible» des réponses à ses questions sur son programme de surveillance.

De son côté, la Maison-Blanche, qui a lancé vainement des appels à la Russie, se mobilise pour obtenir l'extradition de M. Snowden, passible d'une peine de trente ans de prison.

Jusqu'à présent, la Russie avait indiqué que ce dernier était «libre» de repartir, tandis que son propre père a évoqué pour la première fois la possibilité que son fils retourne aux États-Unis sous conditions.

Le fugitif américain, invisible depuis plusieurs jours, a sollicité depuis la capitale russe l'asile politique à l'Équateur, pays qui l'a déjà accordé il y a un an dans son ambassade de Londres au fondateur du site WikiLeaks, Julian Assange, autre bête noire de Washington pour avoir divulgué des centaines de milliers de câbles confidentiels américains.

«Nous n'avons pas cherché cette situation. Snowden est en contact avec Assange, qui lui a recommandé de demander l'asile politique à l'Équateur», a encore commenté M. Correa, l'une des figures de la gauche radicale en Amérique latine .

«S'il arrive sur le territoire équatorien, nous instruirons sa demande comme nous l'avons fait pour Assange», a ajouté le chef de l'État, en soulignant que «dans ce cas, il sera demandé son avis aux États-Unis».

Auparavant dans la matinée, M. Correa avait révélé que le vice-président américain Joe Biden l'avait contacté directement la veille par téléphone pour plaider en faveur de l'extradition de M. Snowden.

«Il m'a transmis de manière très courtoise la requête des États unis de bien vouloir rejeter la demande d'asile», a-t-il raconté lors d'une conférence de presse hebdomadaire, donnée à Aromo, localité située à 440 kilomètres au sud-ouest de Quito.

Signe d'une affaire aux allures rocambolesque, des cinéastes de Hong Kong ont brûlé la politesse au géant d'Hollywood en étant les premiers à diffuser un film sur l'affaire, une vidéo de cinq minutes, intitulé «Verax» et diffusée sur le réseau internet YouTube.