Comme un bon film d'espionnage dont l'action se déroule sur plusieurs continents, la cavale d'Edward Snowden captive une bonne partie de la planète depuis samedi, mettant en scène un personnage considéré comme un héros par les uns et un traître par les autres, et qui se joue de la plus grande puissance mondiale.

Il va sans dire que les représentants de cette puissance ne goûtent pas aux derniers rebondissements de cette affaire qui permet à deux pays rivaux de les narguer à la face du monde. Hier, le porte-parole de la Maison-Blanche n'a d'ailleurs pas caché l'exaspération du gouvernement américain, demandant à la Russie d'étudier «toutes les options possibles» pour extrader l'ancien consultant de l'Agence nationale de sécurité (NSA) vers les États-Unis et reprochant vivement aux autorités chinoises de ne pas l'avoir arrêté au moment de son départ de Hong Kong.

«Il ne s'agit pas d'une décision technique prise par un responsable de l'immigration à Hong Kong. Il s'agit d'un choix délibéré du gouvernement [chinois] de libérer un fugitif en dépit d'un mandat d'arrêt valide, et cette décision a incontestablement un impact négatif sur la relation» entre les États-Unis et la Chine, a déclaré Jay Carney lors d'un point de presse à la Maison-Blanche.

Cache secrète

Aidé par WikiLeaks, l'organisation de Julian Assange qui se spécialise dans la publication d'informations confidentielles, Edward Snowden est arrivé dimanche à Moscou à bord d'un avion de la compagnie Aeroflot. La rumeur voulait qu'il soit en route vers l'Équateur, où il a demandé l'asile politique.

Mais le jeune Américain ne se trouvait pas, hier, sur le vol Moscou-La Havane qui devait le rapprocher de sa destination finale. Au moment où on a écrit ces lignes, ses défenseurs tenaient secret l'endroit où il se cache.

«Nous savons où se trouve M. Snowden, il est dans un endroit sûr et il a bon moral», a déclaré Julian Assange lors d'une conférence téléphonique. «En raison des menaces belliqueuses venant de l'administration américaine, nous ne pouvons pas donner plus de détails pour l'instant», a ajouté le fondateur de WikiLeaks, tout en précisant que son organisation avait payé le billet d'avion qui a permis à Snowden de rejoindre la Russie.

Les États-Unis avaient demandé à Hong Kong d'arrêter Edward Snowden après l'avoir inculpé pour espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux. Après avoir quitté Honolulu fin mai, l'Américain de 30 ans a fourni au Guardian et au Washington Post des informations confidentielles sur les programmes de surveillance de la NSA. Il encourt 30 ans de prison aux États-Unis.

Dans une interview publiée hier dans le South China Morning Post, Snowden a indiqué qu'il avait accepté un emploi dans la société Booz Allen Hamilton, qui l'a embauché il y a trois mois, dans le seul but d'amasser des informations sur les programmes de la NSA.

«Ma position chez Booz Allen Hamilton me donnait accès aux listes de machines partout dans le monde que la NSA avait piratées. C'est pour cette raison que j'ai accepté cette position il y a trois mois», a-t-il déclaré.

En déplacement au Vietnam, le ministre équatorien des Affaires étrangères, Ricardo Patino, a expliqué que son pays se fonderait sur les droits de la personne pour examiner la demande d'asile politique de Snowden. Lors d'un point de presse, il a décrit l'Américain comme un homme «qui tente de faire la lumière et la transparence sur des faits qui affectent tout le monde».

Jay Carney, le porte-parole de la Maison-Blanche, a brossé un portrait beaucoup moins flatteur de Snowden.

«La prétention de M. Snowden selon laquelle il est un partisan de la transparence, de la liberté de presse et de la protection des droits individuels et de la démocratie est contredite par les protecteurs qu'il a potentiellement choisis: la Chine, la Russie et l'Équateur. Le fait qu'il n'ait pas critiqué ces régimes suggère que son objectif véritable est depuis le début de nuire à la sécurité nationale des États-Unis et non pas de promouvoir la liberté d'expression», a dit Carney.