La communauté internationale, dans l'embarras, a appelé jeudi à un retour rapide au processus démocratique en Égypte après le renversement du président Mohamed Morsi par l'armée, mais paraissait prête à travailler avec le nouveau pouvoir.

Aucune grande puissance occidentale n'a prononcé le terme de «coup d'État» contre le dirigeant islamiste élu démocratiquement il y a un an, un événement que les démocraties seraient contraintes de condamner.

Une des plus vives réactions est venue de l'Allemagne, dont le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a évoqué «un échec majeur pour la démocratie en Égypte».

«Il est urgent que l'Égypte retourne aussi vite que possible à un ordre constitutionnel», a-t-il dit.

De Tunisie, où il fait une visite officielle, le président français François Hollande a aussi fermement appelé à «tout faire» pour relancer le processus démocratique. «Nous devons tout faire pour que (le processus) puisse reprendre sur la base du pluralisme et du rassemblement», a-t-il déclaré.

Quelques heures après que les militaires ont destitué à la faveur d'un large mouvement de contestation le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, le président américain Barack Obama s'était dit «profondément inquiet» de l'évolution de la situation dans le plus grand des pays arabes, auquel les États-Unis apportent une aide militaire essentielle.

«J'appelle maintenant le pouvoir militaire égyptien à rendre toute l'autorité rapidement et de manière responsable à un gouvernement civil démocratiquement élu selon un processus ouvert et transparent», a dit M. Obama.

Sans qualifier le coup de force contre M. Morsi, le président Obama a seulement annoncé qu'il allait demander aux agences et ministères concernés d'étudier les «implications» légales de la nouvelle situation pour l'aide que Washington verse annuellement à l'Égypte --et qui, en vertu de la loi américaine, ne peut aller vers un pays où un coup d'État a eu lieu.

Washington a aussi ordonné l'évacuation de son ambassade au Caire.

Son allié britannique a annoncé d'emblée qu'il coopérerait avec le nouveau pouvoir.

«Nous ne soutenons pas les interventions militaires dans un système démocratique», a déclaré le chef de la diplomatie britannique, William Hague. «Mais nous travaillerons avec les autorités en place en Égypte».

La ministre italienne des Affaires étrangères, Emma Bonino, a estimé pour sa part qu'il «n'y a jamais de raisons de se réjouir» de voir une armée et des militaires dans la rue.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a demandé jeudi qu'«un gouvernement civil soit remis en place aussi rapidement que possible, reflétant les aspirations du peuple». Il a estimé qu'une solution devait unir l'ensemble des forces politiques.

La Chine a déclaré «respecter le choix du peuple égyptien» et aussi appelé au dialogue et à la réconciliation.

Inquiétude en Israël

La Russie a appelé de son côté toutes les forces politiques d'Égypte à la «retenue» et à se situer dans le cadre «démocratique, sans violence et dans le respect des intérêts de toutes les couches et toutes les confessions de la société égyptienne», selon le ministère des Affaires étrangères.

L'Union européenne a, quant à elle, aussi appelé toutes les parties à «renouer rapidement avec le processus démocratique», notamment grâce à une nouvelle élection présidentielle, promise par les militaires, mais à une date non fixée.

Elle s'est abstenue de parler de coup d'État tout en demandant que les droits du président Morsi déposé soient respectés.

Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a exhorté toutes les parties à travailler ensemble pour «établir un gouvernement civil» dès que possible.

Dans la région, le roi Abdallah d'Arabie saoudite a été le premier dirigeant étranger à féliciter le nouveau président par intérim, Adly Mansour, qualifié de «président de la République arabe d'Égypte soeur» avant même sa prestation de serment.

Même le Qatar, qui a été le principal soutien financier et politique des islamistes égyptiens au pouvoir, a affirmé qu'il continuerait à soutenir l'Égypte, et son émir a félicité le nouveau président intérimaire Adly Mansour.

La Syrie, avec qui le président Morsi avait rompu les relations diplomatiques, a estimé que sa chute constituait un «grand succès».

En revanche, le gouvernement turc islamo-conservateur, au pouvoir depuis plus de dix ans à Ankara, a jugé jeudi antidémocratique la destitution du président Morsi. «Cette situation est inacceptable», a déclaré le vice-premier ministre turc, Recep Bozdag.

Le président tunisien Moncef Marzouki, allié laïc des islamistes, a estimé que les autorités élues de Tunisie ne risquaient pas d'être renversées comme en Égypte, mais a mis en garde contre le «fossé idéologique» entre islamistes et modernistes.

En Israël, le gouvernement restait largement silencieux sur la crise dans le premier pays arabe avec qui il a signé la paix en 1979.

«C'est un problème intérieur égyptien», a seulement déclaré le ministre des Transports Israël Katz. Mais, selon un responsable anonyme, «la situation actuelle envoie des ondes de choc dans tout le monde arabe, d'où une certaine inquiétude en Israël».

Côté palestinien, le président Mahmoud Abbas a félicité le nouveau président égyptien «dans cette phase transitoire» et a «rendu hommage au rôle joué par les forces armées pour (...) empêcher (l'Égypte) de basculer vers un destin inconnu».

La Mauritanie a «pris acte du changement en Égypte» et s'est déclarée «rassurée par le dénouement de la crise, qui aurait pu être pire».

Le ministère nigérian des Affaires étrangères a au contraire condamné dans un communiqué un «coup d'arrêt aux aspirations du peuple égyptien à s'exprimer librement dans les urnes».

Seule mesure concrète annoncée à ce jour après l'éviction de Morsi, l'Union africaine devrait suspendre vendredi l'Égypte jusqu'à ce que l'ordre constitutionnel y soit rétabli. Cette mesure est quasi automatique après un «changement inconstitutionnel de pouvoir» dans un de ses pays membres.

L'armée égyptienne appelle à l'unité et la «réconciliation»

L'armée a appelé à l'unité et à la «réconciliation» après le coup d'État, dans un communiqué publié dans la nuit de jeudi à vendredi.

Les forces armées appellent notamment à rejeter «la vengeance» pour «réaliser la réconciliation nationale», dans ce texte publié au lendemain du renversement de M. Morsi et alors que ses partisans appellent à manifester en masse vendredi.