La Libye pourrait être de nouveau bombardée par une coalition de pays occidentaux, cinq ans après que l'OTAN a mené une opération de même nature pour précipiter la chute de Mouammar Kadhafi.

La cible de la nouvelle campagne aérienne serait cette fois le groupe État islamique (EI), qui a profité du chaos suscité par le départ de l'ex-dictateur pour s'implanter dans l'État nord-africain.

L'hypothèse d'une opération aérienne ciblant les positions de l'EI, qui a été évoquée notamment par le New York Times, n'étonne pas outre mesure le politologue Thomas Juneau, de l'Université d'Ottawa.

Le général américain Joseph Dunford, qui conseille le président Barack Obama, avait prévenu il y a quelques semaines que les États-Unis envisageaient de mener une «action militaire décisive» en Libye tout en soutenant le processus en cours pour former un gouvernement d'unité nationale.

Il avait précisé que les États-Unis, la France, l'Italie et la Grande-Bretagne voulaient freiner l'expansion de l'EI avant que l'organisation ne s'étende en Afrique du Nord et dans les pays subsahariens.

Leurs dirigeants veulent aussi éviter que le pays ne devienne une base de repli pour l'organisation, qui est la cible d'une campagne de bombardements intensive en Irak et en Syrie.

FORTE OPPOSITION

Dans un rapport paru à la fin de l'année dernière, les Nations unies ont sonné l'alarme relativement à la progression en Libye de l'EI, qui contrôle Syrte, l'ancienne place forte de Mouammar Kadhafi, et une zone côtière de plus de 150 kilomètres.

Le rapport en question précisait cependant que ses responsables locaux faisaient face à une forte opposition de la population locale et risquaient d'avoir du mal à former des alliances durables.

Selon l'ONU, l'EI en Libye compterait jusqu'à 3000 hommes, dont 800 combattants originaires du pays qui sont revenus du Moyen-Orient.

Ces combattants entretiennent des liens étroits avec les dirigeants de l'organisation en Syrie, qui ont déjà insisté dans leur propagande sur l'importance du pays, notamment en raison de ses richesses naturelles. Des champs pétroliers figurent d'ailleurs dans les zones où ils cherchent à prendre de l'expansion.

Lors d'un sommet à Rome mardi, les membres de la coalition internationale qui combat l'EI ont officiellement écarté le scénario de bombardements, insistant d'abord sur la nécessité de consolider le processus politique en cours.

FREINER L'EXPANSION

M. Juneau pense que le gouvernement d'unité nationale annoncé récemment en Libye a très peu de chances de se concrétiser et de devenir opérationnel de sitôt, en raison des positions divergentes des principales factions politiques en présence.

Dans l'intervalle, une vague de bombardements sur les positions de l'EI est peut-être, selon lui, la «moins mauvaise des solutions» pour freiner son expansion.

Vijay Prashad, un spécialiste de la Libye rattaché au Trinity College, dans l'État du Connecticut, pense que l'absence de gouvernement représentatif et fiable soulève la question de la légitimité d'une éventuelle intervention militaire étrangère.

«Je ne suis pas naïf, je sais que l'Occident se donne le droit de bombarder où il veut, mais le principe de souveraineté continue en théorie de s'appliquer. Qui va demander une telle intervention ?», relève l'analyste, qui ne croit pas à l'efficacité de bombardements éventuels contre l'EI.

Cette stratégie, dit-il, ne peut porter ses fruits que si elle est menée en coordination avec une force militaire au sol qui n'existe pas dans le cas présent.

«S'ils bombardent à Syrte et que l'EI recule, quel groupe va venir profiter de la situation ?», demande M. Prashad.

PHOTO WELAYAT TARABLOS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

S'il est approuvé par le Parlement reconnu internationalement, le nouveau gouvernement d'unité pourrait éventuellement obtenir une intervention militaire internationale pour repousser le groupe armé État islamique.