Face aux postures guerrières de Pyongyang, les États-Unis restent sereins, mais peinent à percer les secrets de la Corée du Nord, comme en témoigne la confusion née de la divulgation d'un rapport de renseignement sur sa capacité à lancer des missiles nucléaires.

«Je dois dire que la Corée du Nord, est et a toujours été la plus difficile des cibles pour le renseignement», a reconnu sans ambages jeudi, lors d'une audition au Congrès, James Clapper, directeur national du renseignement (DNI) et à ce titre patron des 16 agences de renseignement américaines.

Pays le plus fermé au monde, la Corée du Nord a des liens extrêmement limités avec le reste du monde. Rares sont les habitants à faire défection, compliquant le travail sur les sources «humaines». De plus, peu de personnes ont un téléphone portable et un tout petit nombre de personnes ont accès à internet.

Les «grandes oreilles» américaines de la NSA écoutent du silence. Washington doit s'appuyer sur l'imagerie satellite ou l'analyse technique des essais balistiques et nucléaires conduits par le Nord.

«Nous n'avons qu'une compréhension limitée des intentions du leadership nord-coréen, ce qui pose problème pour la stabilité à terme», convient le patron des forces américaines en Asie-Pacifique, l'amiral Sam Locklear.

D'autant que Kim Jong-un, qui n'a pas 30 ans, n'est au pouvoir que depuis un an. «Nous n'avons pas beaucoup d'antécédents sur lui», reconnaît le directeur de la CIA John Brennan.

Pour Bruce Riedel, ancien de la CIA aujourd'hui analyste à la Brookings Institution, la Corée du Nord est «extrêmement difficile» à pénétrer.

«Les Nord-Coréens sont experts en ruse et camouflage (...) et disciplinés dans leurs communications. Il est pratiquement impossible d'avoir un espion dans le Nord et de pénétrer l'État nord-coréen,» explique-t-il à l'AFP.

Mais face aux menaces de «guerre thermonucléaire» brandies par Pyongyang, Washington prend soin d'afficher son calme, le Pentagone rappelant à plusieurs reprises qu'«il n'y a pas beaucoup de mouvements sur le terrain pour appuyer cette rhétorique», même si le risque d'un «accident» ne peut être exclu.

Un parlementaire jette le trouble

Malgré plusieurs essais balistiques, la Corée du Nord n'a pas de capacité intercontinentale (ICBM) et les Musudan, d'une portée théorique de 4000 kilomètres n'ont jamais été testés.

Et les trois essais nucléaires conduits depuis 2006 n'augurent en rien de la capacité de Pyongyang à miniaturiser une arme atomique pour la placer sous la coiffe d'un missile, s'accordent la majorité des experts.

Siegfried Hecker, expert nucléaire à qui la Corée du Nord avait révélé l'existence d'une usine d'enrichissement d'uranium en 2010 est catégorique: «je ne crois pas que le Nord a la capacité d'attaquer les États-Unis avec des armes nucléaires montées sur des missiles, et ne l'aura pas avant de nombreuses années. Sa capacité à frapper la Corée du Sud est également très limitée».

Aussi, un parlementaire républicain a jeté le trouble jeudi en dévoilant un passage d'un récent rapport du renseignement militaire américain, la Defense Intelligence Agency (DIA), semblant indiquer le contraire.

«La DIA estime avec une assurance modérée que le Nord dispose d'armes nucléaires qui peuvent être fixées sur des missiles balistiques. Cependant, leur fiabilité sera faible», a lu ce représentant, Doug Lamborn.

Une présentation «inexacte» des capacités de Pyongyang, a réagi le Pentagone.

«La vision du gouvernement américain sur le programme nucléaire nord-coréen n'a pas changé, les agences de renseignement ne croient pas que Pyongyang dispose d'un arsenal de missiles balistiques dotés de têtes nucléaires et les responsables militaires ne se préparent pas à une guerre imminente sur la péninsule coréenne», a affirmé à l'AFP un haut responsable américain sous couvert de l'anonymat.

Cette phrase tirée d'un rapport classifié est «hors contexte», selon lui.

L'étude a été réalisée par une «équipe de niveau peu élevé» au sein de la DIA et «ne reflète pas» la vision de l'agence, ni celle de la «communauté du renseignement» a assuré ce responsable, selon qui le rapport n'a pas été transmis aux «hauts responsables de l'administration».