Le soldat américain Bradley Manning a écopé mercredi d'une peine de 35 ans de prison pour avoir transmis à WikiLeaks des milliers de documents, la plus importante fuite d'informations confidentielles de l'histoire des États-Unis.

Cette peine, qui veut servir d'exemple pour tous les soldats qui envisageraient une fuite similaire, est en-deçà des 60 ans réclamés par le procureur militaire et ouvre la possibilité d'une remise de peine.

Son avocat David Coombs a immédiatement annoncé qu'il déposerait un recours en grâce auprès du président Barack Obama, pour implorer sa clémence, estimant qu'il était «temps de mettre fin aux souffrances de Brad», et s'insurgeant contre une peine plus longue que pour des «agresseurs d'enfants».

Dans ce recours, qui sera déposé en début de semaine, Manning a écrit: «Si vous refusez mon recours en grâce, je ferai mon temps en sachant que parfois il faut payer un prix élevé pour vivre dans une société libre», a rapporté Me Coombs.

Josh Earnest, porte-parole de la Maison-Blanche, a confirmé que cette demande serait «examinée» conformément au processus de recours en grâce.

Bradley Manning encourait jusqu'à 90 ans de réclusion après avoir été reconnu coupable par une cour martiale fin juillet d'espionnage, de vol de documents et de fraude.

Cette peine de prison, la plus longue jamais infligée pour la fuite de documents confidentiels, résonne d'autant plus qu'elle intervient sur fond d'une autre affaire retentissante, celle des révélations à la presse de l'Américain Edward Snowden, portant sur les programmes d'espionnage de l'Agence nationale de la sécurité (NSA).

Visage pâle d'adolescent, Bradley Manning, 25 ans, menu et frêle entre ses deux avocats, s'est levé, raide dans son uniforme bleu marine, à l'annonce de la peine, énoncée laconiquement par la juge Denise Lind.

«PFC Manning vous êtes condamné à être incarcéré pendant 35 ans et à être renvoyé de l'armée pour déshonneur», a-t-elle déclaré, lors de l'audience qui marque un point final à près de trois mois de procès.

La colonel Lind a rappelé que Manning bénéficiait de 1294 jours de remise de peine, correspondant à plus de trois ans de détention préventive, dont neuf mois de régime d'isolement strict, après son arrestation en mai 2010.

Le condamné a ensuite lui-même réconforté son avocat: «Nous étions en larmes, moi y compris, et vous avez ce gars qui me regarde et me dit: "Ça va aller, vous avez fait tout ce que vous avez pu. Je vais être OK"», a rapporté Me Coombs. Manning a ensuite été reconduit à la prison de Fort-Leavenworth (Kansas), où il était détenu avant son procès.

Devant la salle du tribunal, les partisans de Manning pleuraient, s'enlaçaient, chantaient leur déception.

Parmi eux, Lauri Arbeiter, membre du Bradley Manning Support Network, a lancé: «C'est une catastrophe, c'est une honte pour nous tous, Bradley Manning est un héros, il nous a dit la vérité sur les crimes de guerre qui continuent à être perpétrés par notre gouvernement».

Parlant d'un «triste jour» pour Manning et pour tous les Américains, Ben Wizner, de l'organisation de défense des Libertés (ACLU), s'est insurgé qu'«un soldat qui partage des informations avec la presse et le public soit puni beaucoup plus lourdement que ceux qui torturent les prisonniers et tuent des civils».

«Victoire tactique»

Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, qui a publié quelque 700 000 documents livrés par Manning, a en revanche salué «une victoire tactique significative», estimant que le jeune soldat pourrait être libéré d'ici cinq ans grâce à des remises de peine.

Me Coombs a confirmé que son client pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle après avoir purgé le tiers de sa peine, soit «après dix ans» et «si cela lui est refusé, il pourrait la redemander tous les ans».

Son jugement sera réexaminé automatiquement par la Cour pénale d'appel de l'armée de terre.

Mais Manning, qui avait été acquitté de «collusion avec l'ennemi», pourra aussi interjeter appel devant la Cour d'appel supérieure des forces armées et devant la Cour suprême des États-Unis. Il peut également demander la clémence de l'armée.

L'ancien analyste avait regretté «avoir fait du mal aux États-Unis» en transmettant à WikiLeaks, de novembre 2009 à mai 2010, 250 000 câbles diplomatiques et 500 000 rapports militaires classés secrets défense.