Le gouvernement a prolongé jeudi de deux mois l'état d'urgence en Égypte, théâtre d'attentats depuis que l'armée a destitué le président islamiste Mohamed Morsi et réprime dans le sang les manifestations de ses partisans.

L'état d'urgence avait été décrété le 14 août, le jour même où l'armée, qui a mis en place un gouvernement intérimaire après son coup de force, avait lancé avec la police l'assaut sur deux rassemblements des pro-Morsi au Caire, tuant des centaines de manifestants.

«Le président Adly Mansour a décidé de prolonger l'état d'urgence de deux mois (...) à la lumière des événements et de la situation de la sécurité dans le pays», a déclaré sans plus de précision dans un communiqué Ehab Bedawy, le porte-parole du chef de l'Etat par intérim.

Dans la semaine qui a suivi le 14 août, au moins un millier de personnes avaient été tuées, des pro-Morsi pour l'immense majorité, mais aussi quelques dizaines de membres des forces de l'ordre, dans les manifestations réclamant le retour de M. Morsi, ou bien dans des attaques visant l'armée et la police.

Depuis un mois également, une vague sans précédent d'arrestations a décapité et dégarni la confrérie islamiste des Frères musulmans, à laquelle appartient M. Morsi, premier président démocratiquement élu d'Égypte.

Plus de 2.000 membres des Frères musulmans sont emprisonnés et la quasi-totalité des dirigeants du mouvement sous le coup de procès pour meurtres ou incitation aux meurtres.

Jeudi, le gouvernement a par ailleurs voté une loi autorisant la détention pour des périodes renouvelables de 45 jours lorsqu'il s'agit de cas susceptibles de déboucher sur des condamnations à mort ou des peines de prison à vie, indique le cabinet dans un communiqué.

La loi actuelle permet des périodes de détention de 15 jours, renouvelables.

Une grande partie de l'Égypte, dont le Caire, est en outre soumise à un couvre-feu nocturne depuis le 14 août, mais la présidence n'a pas annoncé s'il était prolongé ou pas.

M. Morsi a été destitué et arrêté par l'armée le 3 juillet, après que des millions d'Égyptiens eurent manifesté pour réclamer son départ.

Pour justifier le coup d'Etat, l'armée, qui dirige de fait le pays depuis, s'est appuyée sur ces manifestations monstres.

Elle avait aussitôt mis en place un gouvernement intérimaire chargé de changer la constitution et d'organiser des élections générales pour le début de 2014.

Depuis le coup de force, les pro-Morsi appellent chaque jour à manifester pour réclamer le retour au pouvoir du chef de l'Etat déchu et des Frères musulmans, largement vainqueurs des législatives de 2012.

Mais, alors qu'elles rassemblaient des centaines de milliers de personnes avant le 14 août, la confrérie ne mobilise désormais guère plus que quelques milliers de manifestants le vendredi.

L'état d'urgence et le couvre-feu permettent notamment à l'armée de quadriller les rues de la capitale et des grandes villes et de juger certains des Frères musulmans qu'elle accuse de «terrorisme» devant des tribunaux militaires.

Comme le redoutaient nombre d'experts, certains groupes islamistes se sont radicalisés et ont mené des attaques visant les forces de l'ordre.

Un groupe jihadiste basé dans le Sinaï (est), Jound al-Islam, a revendiqué jeudi deux attentats à la voiture piégée contre l'armée ayant fait six morts la veille dans une zone proche de Rafah, ville frontalière avec la bande de Gaza.

Une large majorité d'Égyptiens reprochaient à M. Morsi de n'avoir pas tenu ses promesses de gouverner avec toutes les composantes de la société qui avaient fait chuter le régime de Hosni Moubarak en 2011, d'avoir «islamisé» la Constitution, accaparé tous les pouvoirs au profit des Frères musulmans et achevé de ruiner une économie déjà exsangue.