Le pouvoir égyptien installé par l'armée a arrêté mercredi de nouveaux cadres des Frères musulmans, la confrérie du président destitué Mohamed Morsi, au moment où son prédécesseur Hosni Moubarak, renversé par la rue, demande une libération conditionnelle.

Alors qu'une semaine de heurts entre les partisans de M. Morsi et les forces de l'ordre a fait près d'un millier de morts, Washington et Bruxelles font peser la menace d'une coupure des aides financières au Caire, mais Ryad a promis que les Arabes «n'hésiteraient pas à apporter leur aide à l'Égypte» si les Occidentaux réduisaient leur soutien.

Au lendemain de l'arrestation du Guide suprême de la confrérie islamiste, Mohamed Badie, les forces de sécurité ont mis la main sur d'importantes figures islamistes: Mourad Ali, le porte-parole du Parti de la Liberté et la Justice, vitrine politique des Frères qui avait remporté les premières législatives et présidentielle libres du pays, et Safwat Hegazy, un influent prédicateur islamiste, fervent soutien de M. Morsi.

Depuis la destitution et l'arrestation de M. Morsi le 3 juillet, la justice a lancé des centaines de mandats d'arrêt contre des membres ou proches de la confrérie, et les forces de l'ordre ont arrêté des centaines de ses militants.

Le Guide suprême et ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, comparaîtront dimanche pour «incitation au meurtre» de manifestants anti-Morsi qui attaquaient le QG des Frères musulmans au Caire le 30 juin, journée de mobilisation massive contre le président déchu accusé d'avoir accaparé les pouvoirs au profit de sa confrérie et ruiné une économie exsangue.

Le même jour est prévu une nouvelle audience du procès de M. Moubarak, détenu dans la même prison, Tora au Caire, que les dirigeants islamistes. Libéré sous conditions dans trois affaires --pour «corruption» et «meurtre de manifestants»--, il a déposé une demande de conditionnelle dans la quatrième et dernière affaire, de corruption également.

Jusqu'ici, à chacune de ces libérations conditionnelles, de nouvelles accusations sont venues s'ajouter, permettant le maintien en détention du président déchu.

L'armée s'est appuyée sur les manifestations du 30 juin pour justifier la destitution de M. Morsi, à laquelle ont été associées des figures politiques et religieuses du pays.

Depuis le 3 juillet toutefois, la principale figure libérale du nouveau pouvoir, le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei a démissionné de son poste de vice-président et l'imam d'Al-Azhar, plus haute autorité de l'islam sunnite, s'est désolidarisé de la sanglante dispersion des rassemblements pro-Morsi au Caire.

Le 14 août, après 45 jours d'occupation par les islamistes de deux places de la capitale, les bulldozers de l'armée et de la police sont entrés en action. Bilan de l'opération: plus de 400 pro-Morsi tués, au cours de la journée la plus meurtrière (578 morts à travers le pays) depuis la chute de Moubarak.

Le lendemain, le gouvernement autorisait ses troupes à tirer sur les manifestants s'en prenant aux bâtiments publics ou aux forces de l'ordre.

En une semaine, au moins 970 personnes ont péri dans ces heurts entre pro-Morsi et policiers et soldats, selon un décompte de l'AFP, incluant 102 policiers tués de source officielle.

Alors que la féroce répression contre les Frères musulmans fait craindre un retour des islamistes à la clandestinité et une radicalisation de sa frange la plus dure, 45 personnes ont péri depuis une semaine dans le Nord-Sinaï, où 25 policiers ont été exécutés lundi, l'attentat le plus meurtrier depuis des années dans cette région instable frontalière d'Israël et de la Bande de Gaza.

Violemment critiqué à l'étranger pour ce qu'il appelle sa «guerre contre le terrorisme», le gouvernement égyptien a prévenu que les menaces de Washington concernant sa substantielle aide --1,5 milliard de dollars par an-- étaient «un mauvais signal», affirmant toutefois que «ce ne serait pas la fin du monde» dans un entretien à la télévision américaine ABC News.

Les États-Unis ont formellement démenti mardi avoir suspendu leur aide à l'Égypte, mais le président Barack Obama a rencontré son équipe rapprochée pour discuter des conséquences de la répression dans ce pays.

L'Union européenne, qui se dit prête à «réexaminer» ses relations avec l'Égypte, réunit quant à elle mercredi ses 28 ministres des Affaires étrangères pour examiner la situation.

Par ailleurs, le torchon brûle entre Ankara et Le Caire, qui a prévenu que sa patience était «proche de sa limite» après que le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a estimé qu'Israël était derrière la destitution de M. Morsi.