Malgré les promesses de trêve, une résolution du conflit syrien semblait dimanche de plus en plus illusoire, les différents acteurs internationaux, dont la Turquie et la Russie, s'accusant mutuellement de jeter de l'huile sur le feu.

Le président américain Barack Obama a de nouveau demandé à son homologue russe Vladimir Poutine de mettre fin aux frappes en Syrie «contre les forces de l'opposition modérée».

Les deux dirigeants se sont entretenus au lendemain de l'accord conclu vendredi à Munich entre les grandes puissances pour une «cessation des hostilités» en Syrie dans un délai d'une semaine.

Mais, depuis, aucune accalmie ne s'est dessinée sur le front et la situation est encore devenue plus compliquée dans le nord de la Syrie où une multitude d'acteurs, syriens comme étrangers, interviennent.

L'armée turque a bombardé ce week-end au mortier, depuis son territoire, des positions kurdes aux alentours de la ville syrienne d'Azaz dans la province d'Alep.

Le gouvernement syrien a condamné «les attaques répétées de la Turquie à l'encontre (...) de l'intégrité territoriale de la Syrie», appelant le Conseil de sécurité de l'ONU à «mettre un terme aux crimes du régime turc».

Sur la même ligne que Washington, Paris a exprimé «sa préoccupation à l'égard de la dégradation continue de la situation dans la région d'Alep et au nord de la Syrie».

Mais Ankara ne semble pas se préoccuper des appels au calme et son Premier ministre a affirmé dimanche que les bombardements contre les Kurdes de Syrie vont se poursuivre.

La Turquie «ne permettra pas au PYD (Parti kurde de l'union démocratique) de mener des actions agressives. Nos forces de sécurité ont répondu de manière adéquate et continueront à le faire», a déclaré Ahmet Davutoglu au cours d'une conversation téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel.

Le président Recep Tayyip Erdogan considère le PYD et ses milices les YPG (Unités de protection du peuple) comme des organisations «terroristes», frères du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène depuis 1984 une rébellion meurtrière sur le sol turc.

La Turquie redoute que les Kurdes syriens qui contrôlent déjà une grande partie du nord de la Syrie, n'étendent leur influence à la quasi-totalité de la zone frontalière.

Avions saoudiens en Turquie 

Farouchement hostile au régime de Bachar al-Assad et en froid avec la Russie, la Turquie envisage par ailleurs de lancer avec l'Arabie saoudite une opération terrestre en Syrie officiellement destinée à combattre les djihadistes du groupe État islamique (EI), selon le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.

Des forces «spéciales» saoudiennes pourraient être ainsi déployées dans le cadre de la coalition antidjihadiste conduite par les États-Unis, a déclaré dimanche le ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, sans donner plus de détails.

Ces déclarations coïncident avec le déploiement d'avions de combat saoudiens sur la base turque d'Incirlik afin d'«intensifier les opérations aériennes» contre l'EI, selon un haut responsable saoudien de la Défense.

L'engagement accru de Ryad et Ankara survient alors que les groupes rebelles soutenus par les deux puissances sunnites ne cessent de perdre du terrain face aux Kurdes mais aussi et surtout face aux forces du régime.

L'Iran et la Russie, les principaux alliés de Damas, ont mis en garde ces pays contre l'envoi de troupes en Syrie.

«Nous ne permettrons certainement pas que la situation en Syrie évolue conformément à la volonté des "pays rebelles". Nous prendrons les décisions nécessaires le moment venu», a averti l'adjoint du chef d'état-major des forces armées iraniennes, le général Massoud Jazayeri.

Le régime avance 

Damas a par ailleurs accusé la Turquie d'avoir permis le passage en Syrie d'armes et de combattants pour renforcer les rebelles. Selon l'OSDH, ce sont «environ 350 combattants islamistes du groupe Faylaq al-Sham» qui seraient ainsi entrés.

L'armée syrienne continue de progresser au nord d'Alep et ne se trouvait plus dimanche qu'à environ trois kilomètres au sud de Tall Rifaat, l'un des trois bastions qui restent aux insurgés dans cette région. La localité, qui a été visée samedi par plus de 20 raids russes, est également attaquée à l'est par les Kurdes.

L'offensive lancée le 1er février par le régime a provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes qui restent notamment bloquées au nord d'Azaz, tout près de la frontière turque, espérant qu'Ankara les laissent entrer.

L'accord de Munich a été vivement dénoncé dimanche par le coordinateur de l'opposition syrienne, Riad Hijab, pour qui il permet la poursuite des bombardements russes. «Celui qui protège Daech (acronyme arabe de l'EI) aujourd'hui, c'est la Russie», a jugé M. Hijab.