La Turquie a bombardé dimanche pour la deuxième journée consécutive des positions kurdes en Syrie et a annoncé, malgré les appels internationaux à cesser ces tirs, qu'elle continuerait à frapper les milices kurdes syriennes.

L'artillerie turque a bombardé depuis la frontière des positions des Unités de protection du peuple (YPG), les milices du Parti de l'union démocratique (PYD), en représailles selon Ankara à des tirs venus de Syrie.

Des positions kurdes aux alentours de la ville d'Azaz, dans la province d'Alep, dans le nord de la Syrie, ont été visées.

Le gouvernement de Damas a condamné «les attaques répétées de la Turquie» contre «l'intégrité territoriale de la Syrie», et il a appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à «mettre un terme aux crimes du régime turc».

Les États-Unis ont exhorté dès samedi la Turquie à cesser ses tirs d'artillerie contre les forces armées des Kurdes de Syrie, et aussi contre des forces gouvernementales syriennes dans le nord du pays.

Sur la même ligne que Washington, Paris a exprimé «sa préoccupation à l'égard de la dégradation continue de la situation dans la région d'Alep et au nord de la Syrie».

Mais le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a rétorqué que les bombardements contre les Kurdes de Syrie allaient se poursuivre.

La Turquie «ne permettra pas au PYD de mener des actions agressives. Nos forces de sécurité ont répondu de manière adéquate et continueront à le faire», a déclaré M. Davutoglu lors d'une conversation téléphonique dimanche avec la chancelière allemande Angela Merkel.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan considère le PYD et ses milices, les YPG, comme des organisations «terroristes» associées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène depuis 1984 une rébellion meurtrière en territoire turc.

Ankara redoute que les Kurdes syriens qui contrôlent déjà une grande partie du nord de la Syrie n'étendent leur influence à la quasi-totalité de la zone frontalière.

Aucune accalmie 

L'accord conclu entre les grandes puissances vendredi à Munich, en Allemagne, pour une «cessation des hostilités» en Syrie dans un délai d'une semaine avait suscité des espoirs fragiles.

Mais depuis, aucune accalmie ne s'est dessinée sur le terrain, et la situation est encore devenue plus compliquée dans le nord de la Syrie, où interviennent une multitude d'acteurs, syriens comme étrangers.

Le président américain Barack Obama a de nouveau demandé à son homologue russe Vladimir Poutine de mettre fin aux frappes aériennes russes «contre les forces de l'opposition modérée».

Outre ses opérations contre les Kurdes, la Turquie, hostile au régime du président Bachar al-Assad et en froid avec la Russie, envisage de lancer avec l'Arabie saoudite une opération terrestre en Syrie, officiellement destinée à combattre les djihadistes du groupe État islamique (EI), selon le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.

Des forces «spéciales» saoudiennes pourraient être ainsi déployées dans le cadre de la coalition antidjihadistes conduite par les États-Unis, a déclaré dimanche le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir.

Ces déclarations coïncident avec le déploiement d'avions de combat saoudiens sur la base turque d'Incirlik afin d'«intensifier les opérations aériennes» contre l'EI, selon un haut responsable saoudien de la Défense.

L'engagement accru de Ryad et d'Ankara survient alors que les groupes rebelles soutenus par les deux puissances sunnites ne cessent de perdre du terrain face aux Kurdes mais aussi et surtout face aux forces du régime.

L'Iran et la Russie, les principaux alliés de Damas, ont mis en garde ces pays contre l'envoi de troupes en Syrie.

«Nous ne permettrons certainement pas que la situation en Syrie évolue conformément à la volonté des "pays rebelles". Nous prendrons les décisions nécessaires le moment venu», a averti l'adjoint du chef d'état-major des forces armées iraniennes, le général Massoud Jazayeri.

L'armée syrienne continue de progresser au nord d'Alep et ne se trouvait plus dimanche qu'à environ trois kilomètres au sud de Tall Rifaat, l'un des trois bastions qui restent aux insurgés dans cette région. La localité, qui a été visée samedi par plus de 20 raids russes, est également attaquée à l'est par les Kurdes.

L'offensive lancée le 1er février par le régime a provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes qui restent notamment bloquées au nord d'Azaz, tout près de la frontière turque, espérant qu'Ankara les laissent entrer.