L'ONU a suspendu mercredi les pourparlers sur la Syrie à Genève, théoriquement jusqu'au 25 février, au moment où le régime de Damas, appuyé par les frappes de son allié russe, effectuait une importante percée militaire à Alep, rendant vaines toutes discussions selon l'opposition.

Paris et Washington ont dénoncé ces frappes, et ont lié le naufrage du processus de Genève à la situation sur le terrain.

Les États-Unis ont estimé que les bombardements visaient «presque exclusivement» les groupes d'opposition et des civils, soulignant qu'ils allaient à l'encontre du «processus de paix» et étaient même «en partie» responsables de la suspension des discussions de Genève.

La France a elle condamné «l'offensive brutale menée par le régime syrien, avec le soutien de la Russie», et jugé que les «circonstances dramatiques» sur le terrain «privaient de sens» les discussions de Genève «auxquelles ni le régime de Bachar al-Assad ni ses soutiens ne souhaitent visiblement contribuer de bonne foi, torpillant ainsi les efforts de paix».

L'armée syrienne a réussi à resserrer l'étau mercredi autour des rebelles dans la ville d'Alep, ex capitale économique du pays, après avoir coupé leur principale route d'approvisionnement, marquant un nouveau succès pour le régime depuis l'intervention de Moscou dans le conflit fin septembre.

Les troupes du régime du président Bachar al-Assad, aidées par des miliciens et des combattants du Hezbollah libanais, encerclaient les rebelles à Alep par l'ouest, le sud et l'est, et ont pris plusieurs villages et localités dans le secteur. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), cette avancée est la plus importante du régime dans la province d'Alep depuis 2012.

Elle a été appuyée par d'intenses bombardements russes - plus de 320 frappes depuis lundi, selon l'OSDH. Et le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov a martelé qu'il n'était pas question pour Moscou de cesser ses bombardements avant d'avoir «réellement vaincu» les groupes «terroristes».

Reprise des pourparlers incertaine 

Après six jours de discussions avec le régime d'une part, l'opposition d'autre part, de tergiversations et de rendez-vous annulés ou reportés, l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura a annoncé une «pause» dans le processus de discussions sur la Syrie, censé enclencher une solution politique pour mettre un terme au conflit.

«J'ai conclu, après une première semaine de discussions préparatoires, qu'il y a encore du travail à faire, non seulement par nous, mais par toutes les parties prenantes» à la crise syrienne, a déclaré M. de Mistura, renvoyant la balle dans le camp des grandes puissances du Groupe international de soutien à la Syrie, qui doivent se réunir le 11 février à Munich.

Le diplomate onusien s'est refusé à parler «d'échec» et a déclaré avoir fixé la date du 25 février pour une reprise des discussions.

Mais celle-ci semble tout sauf certaine.

L'opposition syrienne «ne reviendra pas à Genève tant que ses demandes sur le volet humanitaire ne seront pas satisfaites», a déclaré son coordinateur Riad Hijab lors d'une conférence de presse à Genève. Le Haut comité des négociations (HCN), qui regroupe des politiques et des représentants des groupes armés, réclame l'arrêt des bombardements russes, la libération de détenus, et la levée des sièges d'une quinzaine de villes en Syrie, où, selon l'ONU, près de 500 000 personnes vivent coupées d'aide humanitaire et médicale.

M. Hijab a rappelé que le HCN était venu en Suisse «avec l'assurance de nombreux pays que le processus humanitaire allait débuter». «Mais le contraire est arrivé». «Le monde entier voit qui a fait capoter les négociations, qui bombarde les civils et fait mourir de faim la population», a-t-il lancé.

De son côté, Damas a rejeté l'échec du processus sur l'opposition. «Depuis son arrivée, la délégation de l'opposition a refusé de prendre part à des discussions sérieuses avec l'émissaire de l'ONU» a déclaré l'ambassadeur syrien à l'ONU Bachar al-Jaafari, qui dirigeait la délégation du régime.

Lui aussi a également laissé entendre que la reprise des discussions le 25 février n'était pas acquise.

Les pourparlers de Genève, arrachés sous la pression internationale, étaient censés amener le régime de Damas et l'opposition à discuter, même indirectement, pour enclencher un processus politique et mettre un terme à une guerre qui a fait plus de 260 000 morts et des millions de réfugiés en cinq ans.

Des dirigeants du monde entier doivent se réunir jeudi à Londres pour tenter de lever neuf milliards de dollars en faveur des 18 millions de Syriens victimes de la guerre, avec l'ambition d'endiguer la crise des réfugiés qui, du Moyen-Orient à l'Europe, pèse sur les pays d'accueil.

Le gouvernement britannique a promis 1,2 milliard de livres (2,4 milliards $) supplémentaire d'ici 2020 pour aider les victimes du conflit en Syrie.