La communauté internationale attendait lundi la remise à l'ONU du rapport sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, 48 heures après l'accord russo-américain sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien, salué dimanche par Damas comme «une victoire pour la Syrie».

«Nous acceptons le plan russe de nous débarrasser de nos armes chimiques. Nous avons en fait commencé à préparer notre liste» de cet arsenal, a affirmé le ministre syrien de l'Information, Omrane al-Zohbi. «Nous ne perdons pas de temps», a-t-il assuré.

Le régime du président Bachar al-Assad a également assuré qu'il se conformerait aux décisions des Nations unies sur le démantèlement de son arsenal chimique.

les États-Unis et la France ont toutefois prévenu que l'option militaire restait sur la table.

En visite à Jérusalem, le secrétaire d'État américain John Kerry, a rappelé que les États-Unis n'avaient évacué «aucune option», bien que l'accord signé samedi à Genève ait éloigné une menace immédiate de frappes américaines.

«L'option militaire doit demeurer, sinon il n'y aura pas la contrainte», a affirmé en écho le président français François Hollande, lors d'un entretien à la chaîne de télévision TF1.

L'opposition syrienne, qui avait exprimé sa frustration après l'accord, a pour sa part appelé la communauté internationale à imposer également au régime syrien une interdiction d'utiliser les missiles balistiques et l'aviation contre les civils.

Sur le terrain, les rebelles accusaient les États-Unis et la Russie de «jouer avec la Syrie». «Nous ne sommes rien pour eux (...) Cela fait 30 mois qu'ils discutent, et ils n'ont absolument rien fait», a déclaré à l'AFP le porte-parole d'une brigade rebelle d'Alep.

Annoncé samedi par M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, l'accord fixe des échéances précises au régime syrien: Damas a une semaine pour présenter une liste de ses armes chimiques, et celles-ci doivent être détruites d'ici la fin du premier semestre 2014.

Mais pour Olivier Lepick, de la Fondation pour la recherche stratégique, basée à Paris, il est impossible que l'arsenal syrien soit détruit d'ici là. Le calendrier «est totalement fantasque», selon lui. «Je ne pense pas que cela soit possible, étant donné la guerre civile... Même en temps de paix, cela prendrait des années», a-t-il indiqué à l'AFP.

Pourtant à Damas, au premier jour dimanche de la rentrée des classes, l'accord a fait renaître auprès de certains habitants l'espoir de voir la fin d'une guerre qui a fait plus de 110 000 morts en deux ans et demi.

«Je n'ai plus peur pour les enfants car maintenant que la tension a baissé et que la guerre n'est plus d'actualité, la vie est revenue à la normale», assurait Hala Tabaa, directrice d'une école maternelle de la capitale.

Le processus doit être fixé dans une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU mentionnant le chapitre VII de la Charte qui ouvre la voie à de possibles sanctions, y compris un recours à la force en cas de manquement du régime syrien à ses engagements. Mais ce point reste encore entouré d'ambiguïtés, et les conditions de la mise en oeuvre de l'accord donnent lieu à d'intenses tractations diplomatiques.

Selon M. Hollande, la résolution à l'ONU pourrait être votée «d'ici à la fin de la semaine» prochaine. Il a par ailleurs souligné que l'accord russo-américain constituait «une étape importante, mais ce n'est pas le point d'arrivée».

Il faut aussi «prévoir la possibilité de sanctions en cas de non-application de l'accord», a-t-il ajouté.

Lundi à Paris, le président français réunira à l'Elysée M. Kerry, arrivé dimanche soir en France, et les chefs de la diplomatie britannique et français, William Hague et Laurent Fabius, pour «mettre en forme la prochaine résolution du Conseil de sécurité».

Laurent Fabius, en visite dimanche à Pékin, a affirmé que «la France tiendrait compte du rapport des inspecteurs de l'ONU lundi sur le massacre de Damas pour arrêter sa position».

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a indiqué que ce rapport allait «conclure de manière accablante» à l'utilisation d'armes chimiques, sans qu'il n'entre dans le mandat des inspecteurs de déterminer qui est responsable de l'attaque du 21 août.

Considéré comme une avancée par de nombreuses capitales, dont Pékin, qui depuis plus de deux ans opposait une fin de non-recevoir aux appels internationaux à exercer davantage de pression sur le régime de Bachar al-Assad, cet accord suscite moins d'enthousiasme en Turquie et en Israël.

S'exprimant après sa rencontre avec M. Kerry, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a estimé que «pour que la diplomatie ait une quelconque chance de réussir, elle doit être accompagnée d'une menace militaire crédible».

Les États-Unis estiment à 45 le nombre de sites liés au programme d'armes chimiques en Syrie et sont d'accord avec la Russie pour évaluer le stock à 1000 tonnes, selon un responsable américain.

Tout en laissant entendre que la Russie pourrait dans l'avenir soutenir un recours à la force en cas de non-respect de l'accord, le chef de la diplomatie russe a prévenu que Moscou vérifierait minutieusement toutes les informations accusant le gouvernement syrien.

A New York, les Nations unies ont formellement accepté samedi la demande d'adhésion de la Syrie à la Convention de 1993 interdisant les armes chimiques.

MM. Kerry et Lavrov ont convenu d'une nouvelle réunion «à New York autour du 28 septembre», afin de fixer une date pour une conférence de paix sur la Syrie.

Celle-ci risque d'être compliquée à mettre en oeuvre si l'on en croit les conclusions d'une étude de l'institut de défense britannique IHS Jane's, publiées lundi par le Daily Telegraph.

Des jihadistes et des islamistes membres de groupes extrémistes forment près de la moitié des forces rebelles qui combattent le régime syrien, selon cette étude qui doit être publiée cette semaine.