La communauté internationale, États-Unis et Union européenne en tête, intensifiait mardi ses efforts en Égypte pour éviter la confrontation entre forces de l'ordre et manifestants partisans du président islamiste Mohamed Morsi, destitué et arrêté par l'armée il y a un mois.

Des milliers d'entre eux campent depuis plus d'un mois sur deux places du Caire pour dénoncer le «coup d'État militaire» et réclamer le retour du premier chef de l'État égyptien élu démocratiquement. Mais depuis une semaine, le gouvernement intérimaire mis en place par l'armée menace de les disperser par la force.

Un haut responsable gouvernemental a expliqué à l'AFP que les autorités leur laissaient le choix: «reconnaître le changement» en levant les sit-in et de ce fait être autorisés à participer à la transition, ou «être dispersés avec le moins de pertes possible».

Plus de 250 personnes ont été tuées depuis fin juin dans des affrontements entre pro et anti-Morsi et entre forces de l'ordre et pro-Morsi. Et la communauté internationale redoute qu'une tentative de dispersion ne tourne au bain de sang, les pro-Morsi s'étant barricadés avec femmes et enfants sur les deux places Rabaa al-Adawiya et Nahda.

Les sénateurs américains John McCain et Lindsey Graham ont d'ailleurs plaidé devant la presse au Caire pour un «processus politique ouvert à tous», incluant notamment les Frères musulmans --dont est issu M. Morsi-- qu'ils ont appelés à s'éloigner de toute violence.

Après avoir rencontré le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et véritable homme fort du pays, ainsi que des représentants de nombreuses forces politiques, dont les islamistes, les deux influents membres du Congrès ont appelé à la libération de M. Morsi, toujours détenu au secret par les militaires.

De leur côté, six parlementaires britanniques ont rencontré le ministre des Affaires étrangères Nabil Fahmy qui leur a assuré que les nouvelles autorités travaillaient à la réconciliation nationale dans le pays profondément divisé.

Des ministres européens et américains, mais aussi africains et arabes, se relayent depuis une semaine au Caire pour tenter à la fois de prôner la retenue en cas d'intervention de la police et de convaincre les Frères musulmans de se disperser et de participer aux élections que promet le pouvoir intérimaire pour début 2014.

Leurs efforts ont été vains jusqu'alors, ils ont seulement retardé l'échéance de l'intervention de force, quasi-inéluctable selon les observateurs pour qui elle ne devrait toutefois pas avoir lieu avant la fête du Fitr, marquant la fin du ramadan, dont les célébrations s'achèveront dimanche.

Le secrétaire d'État américain adjoint William Burns, l'émissaire de l'Union européenne Bernardino Leon et les chefs de la diplomatie du Qatar et des Émirats arabes unis, ont rencontré lundi Khairat al-Shater, le numéro 2 des Frères musulmans, incarcéré depuis début juillet.

Avec cinq autres leaders de la confrérie, il sera jugé à partir du 25 août pour «incitation au meurtre».

Mardi, l'assistant de M. Morsi, Ahmed Abdel-Aati, et son conseiller en sécurité Ayman Hodhod ont également été emprisonnés.

Selon les Frères musulmans, M. Shater a refusé de discuter, demandant aux émissaires étrangers de s'adresser à M. Morsi.

M. Burns a également rencontré le général Sissi. Ce weekend, ce dernier tout en assurant qu'il ne voulait pas «verser le sang d'un seul Égyptien», avait expliqué sans équivoque que la police, mais «pas l'armée», délogerait de force les manifestants en cas d'impasse.

Les États-Unis, principal bailleur de fonds de l'Égypte avec 1,5 milliard de dollars annuels, dont 1,3 pour la seule armée, semblent embarrassés par la situation de leur principal allié arabe dans la région.

Le secrétaire d'État John Kerry a estimé il y a quelques jours que l'armée avait renversé Morsi, dont des millions de manifestants réclamaient le départ, pour «rétablir la démocratie».

Les manifestants reprochaient à l'ex-chef de l'État d'avoir accaparé le pouvoir au seul profit des Frères musulmans et d'avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

L'impasse semble totale et la crise paralyse toute initiative politique. «Nous nous focalisons sur la place Rabaa et nous ne pouvons même pas nous concentrer sur la préparation du processus électoral», s'est ainsi plaint lundi à l'AFP un haut responsable du gouvernement.

«Ne comptez pas sur une dispersion des sit-in par la force pour vous faire passer pour les victimes, cela ne ferait qu'accroître la colère du peuple à votre égard», a déclaré mardi le vice-président par intérim et prix Nobel de la Paix Mohamed  ElBaradei à l'adresse de la confrérie, tout en demandant aux médias égyptiens de «cesser de diaboliser» les pro-Morsi.