Les émissaires internationaux venus au Caire pour tenter de sortir le pays de l'impasse politique faisaient lundi la navette entre les nouvelles autorités installées par l'armée et les partisans du président islamiste destitué Mohamed Morsi.

Au lendemain d'entretiens avec le nouvel homme fort du pays, le commandant de l'armée Abdel Fattah al-Sissi, le secrétaire d'État américain adjoint William Burns a rencontré l'adjoint du Guide suprême des Frères musulmans -- dont est issu M. Morsi--, Khairat al-Chater, actuellement incarcéré, selon l'agence officielle Mena.

Mais un porte-parole des Frères musulmans a assuré sur Twitter que M. Chater avait «refusé» cette visite, à laquelle participaient également les ministres des Affaires étrangères qatari et émirati ainsi que l'émissaire de l'UE Bernardino Leon.

M. Chater a affirmé qu'il n'était «pas en position de discuter» et conseillé à la délégation de «parler à M. Morsi», détenu au secret par l'armée depuis sa destitution le 3 juillet, a ajouté Gehad al-Haddad. Il s'est borné à leur rappeler qu'il n'y avait «pas d'alternative à la légitimité» de la première présidentielle libre du pays qui a porté M. Morsi au pouvoir en juin 2012.

M. Burns, dont le pays a récemment surpris les observateurs en défendant clairement le coup militaire, avait été autorisé à rencontrer M. Chater dans le quartier de haute sécurité de la prison de Tora, en banlieue du Caire, où est également détenu l'ex-président Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire début 2011.

Khairat al-Chater, l'un des plus importants financiers de la confrérie, sera jugé à partir du 25 août avec le Guide Mohamed Badie et son second adjoint Rachad Bayoumi pour «incitation au meurtre» de manifestants anti-Morsi lors d'une attaque de leur QG au Caire le 30 juin, journée de manifestations massives qui a conduit à la destitution de M. Morsi par l'armée. Trois autres figures de la confrérie seront jugées pour «meurtre».

Ballet diplomatique ininterrompu

De son côté, M. Leon a rencontré le premier ministre Hazem Beblawi, tandis que les influents sénateurs américains Lindsey Graham et John McCain sont attendus pour des entretiens mardi au Caire.

Nouveau pouvoir et partisans de M. Morsi campent fermement sur leurs positions et la communauté internationale redoute que la dispersion par la force des sit-in où les manifestants se sont barricadés avec femmes et enfants tourne au massacre.Les heurts en marge des mobilisations rivales pro et anti-Morsi ont déjà fait plus de 250 morts depuis la fin juin.

Les nouvelles autorités, elles, alternent déclarations tonitruantes et appel au calme. Ainsi le général Sissi a assuré dimanche à des dirigeants islamistes qu'il y avait «encore des chances pour une solution pacifique», alors que le gouvernement intérimaire a multiplié les avertissements aux manifestants pro-Morsi qui campent sur deux places du Caire depuis plus d'un mois, les menaçant de les disperser par la force s'ils ne partaient pas «rapidement».

De leur côté, les islamistes appellent quasi quotidiennement les pro-Morsi à de nouvelles mobilisations, incitant à marcher «par millions» sur les sites militaires ou de sécurité, des appels qui sont toutefois de moins en moins suivis.

L'annonce dimanche de la date du procès des principaux chefs des Frères musulmans pourrait également relancer leur mobilisation. Lundi, un millier d'entre eux ont d'ailleurs manifesté devant la Haute cour de Justice au Caire.

Impasse politique

Les islamistes affirment défendre la «démocratie» contre «le coup d'État», tandis que les détracteurs de M. Morsi l'accusent d'avoir accaparé le pouvoir au profit de sa confrérie sans être parvenu à améliorer la situation économique.

Face à l'impasse politique qui perdure, M. Burns a plaidé auprès du général Sissi pour que toutes les forces du pays soient associées à la feuille de route qu'il avait annoncée au moment du coup militaire et qui prévoit notamment une nouvelle Constitution et des élections générales début 2014.

Les nouvelles autorités ont toutefois prévenu que M. Morsi ne pourrait jouer aucun rôle dans l'avenir de l'Égypte. Il pourrait lui aussi être jugé et est actuellement sous le coup d'une demande de placement en détention préventive pour répondre de son évasion de prison à la faveur de la révolte de 2011.

Dans l'instable péninsule du Nord-Sinaï, un soldat a encore été tué par des hommes armés, le 33e membre des forces de l'ordre à périr dans cette région depuis le 3 juillet.