Dzhokhar Tsarnaev, accusé des attentats du marathon de Boston, doit comparaître aujourd'hui devant un tribunal américain et enregistrer son plaidoyer. Pendant ce temps, en Tchétchénie, son pays d'origine, plusieurs crient au complot. De retour de Grozny, notre journaliste fait le point.

Il n'est pas encore 9 h du matin lorsque Khassan Baiev quitte son domicile pour se rendre à l'hôpital pour enfants de Grozny où il travaille. S'il habite Boston depuis plus de 10 ans, le chirurgien retourne chaque été en Tchétchénie pour soigner les enfants victimes de la guerre.

«Tu vois cette affiche?», demande-t-il en s'arrêtant sur le bord de la route. Le tract abîmé est collé sur un panneau d'affichage dans la rue. Il clame l'innocence de Dzhokhar Tsarnaev, le plus jeune des deux frères accusés d'avoir perpétré les attentats du marathon de Boston en avril dernier.

«Dzhokhar est sous mandat d'arrêt et attend sa condamnation. Il est dans cette situation à cause de ceux qui sont derrière les attentats. Il a désespérément besoin de notre aide et du soutien», dénonce le tract anonyme.

«Après les attentats de Boston, des centaines d'affiches de ce type sont apparues sur les murs de Grozny», explique Khassan Baiev. Il dit ne pas savoir qui est derrière ces tracts, mais explique que beaucoup de gens à Grozny croient que les frères Tsarnaev ont été victimes d'un complot.

Sous le choc

La première fois que Khassan Baiev a fait la connaissance de la famille Tsarnaev, Dzhokhar n'avait que 7 ans. À l'époque, l'homme n'aurait jamais pu imaginer que le petit garçon serait un jour accusé de terrorisme. «J'étais sous le choc. Je ne comprenais pas. J'étais tellement triste, car les États-Unis ont permis à ma famille d'avoir un avenir», dit-il.

En 2002, Khassan Baiev reçoit un appel de la tante de Dzhokhar vivant au Canada, lui demandant d'aider la famille, qui venait d'arriver aux États-Unis. «Je les ai hébergés chez moi pendant un mois, jusqu'à ce qu'ils trouvent un appartement. C'était une famille normale, pas très religieuse. Le père me racontait qu'ils avaient quitté le Kirghizstan à cause de la discrimination et de la violence à l'encontre des Tchétchènes. Après leur départ, je ne les ai plus revus», se souvient le chirurgien.

Les services secrets

Plus tard, attablé pour un souper tardif chez son ami Said, dentiste, et sa femme Taissa, Khassan Baiev discute des attentats de Boston. Said et lui se connaissent depuis de nombreuses années. Pendant la guerre, les deux hommes travaillaient ensemble à l'hôpital du village.

« Beaucoup croient que les services secrets américains sont derrière les attentats. Je suis de leur avis. Si ce n'est pas les Américains, ce sont les services secrets russes. Je ne sais pas quelles étaient leurs intentions, mais ces deux jeunes ont certainement été utilisés», affirme d'emblée Said.

Le couple n'est pas le seul à croire à la théorie du complot. Quelques jours après les attentats, le président tchétchène Ramzan Kadirov a lui-même accusé les services secrets américains d'être derrière les attaques. Quant au père des suspects, il ne cesse de montrer du doigt la Russie qui, selon lui, a piégé ses fils et organisé les attaques afin de présenter les Tchétchènes comme des terroristes.

Raisa Borshchigova, dans la trentaine, n'est pas du même avis. Assise dans un café du centre-ville de Grozny, elle raconte: »Quand tu essaies de construire ta vie, mais que tu n'y arrives pas parce que tout ce qu'il y a, c'est la guerre, tu développes une haine intérieure et l'envie de faire du mal aux autres pour qu'ils ressentent ta douleur. »

Et d'ajouter: »Ayant grandi ici pendant la guerre, j'ai moi-même longtemps ressenti cette haine. Peut-être que c'est simplement la haine qui a poussé les frères Tsarnaev à faire ce geste... »