Le secrétaire d'État américain John Kerry a estimé jeudi que les conditions posées par la Corée du Nord pour une reprise des pourparlers avec Washington et Séoul n'étaient «pas acceptables», mais a affirmé qu'il s'agissait d'une «tactique d'ouverture» du régime de Pyongyang.

La Commission de défense nationale nord-coréenne a appelé jeudi au «retrait des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU concoctées pour des raisons grotesques». Elle a également exigé la fin des manoeuvres militaires conjointes conduites par les États-Unis et la Corée du Sud dans le sud de la péninsule comme préalable à toute négociation.

«C'est la première fois que nous entendons parler de négociations (...) depuis que tout cela a commencé», a remarqué M. Kerry lors d'une audition du Congrès, en allusion à la rhétorique guerrière employée par le régime de Kim Jong-un ces dernières semaines, dans la foulée d'un essai nucléaire qui a fait remonter la tension.

«Donc, je suis prêt à envisager cela comme (...) au moins une tactique d'ouverture, qui n'est évidemment pas acceptable, et il faut que nous allions plus loin», a-t-il ajouté.

M. Kerry vient de revenir d'un voyage en Asie lors duquel il a cherché à persuader Pékin, le principal allié de Pyongyang dans la région, d'aider à réduire les tensions.

«L'un des calculs de Kim Jong-un est de penser qu'il peut faire cela sans conséquence parce qu'il pense que Pékin ne sévira pas», a remarqué le chef de la diplomatie américaine: «J'espère que (ce calcul) se révèlera faux».

Auparavant, la Maison-Blanche avait appelé la Corée du Nord à faire preuve de «sérieux» et à respecter ses engagements dans le domaine nucléaire.

«Pour l'instant, nous n'avons pas vu cela. Je pense que les déclarations et actes hostiles venant de Corée du Nord montrent le contraire, en fait», avait déclaré le porte-parole adjoint du président Barack Obama, Josh Earnest.

«Les demandes de la Corée du Nord sont totalement incompréhensibles. C'est absurde», avait réagi plus tôt Cho Tai-Young, le porte-parole du ministère sud-coréen des Affaires étrangères. «Nous demandons instamment au Nord d'arrêter d'émettre des demandes aussi incompréhensibles et de faire des choix judicieux, comme nous l'y avons encouragé à plusieurs reprises.

La Commission de défense nationale nord-coréenne a appelé jeudi au «retrait des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU concoctées pour des raisons grotesques».

Elle a également exigé la fin des manoeuvres militaires conjointes conduites par les États-Unis et la Corée du Sud dans le sud de la péninsule.

Séoul et Washington effectuent depuis quelques semaines ces exercices conjoints annuels, attisant comme chaque année la colère de Pyongyang, qui y voit la répétition générale d'une invasion de son territoire.

Depuis un 3e essai nucléaire nord-coréen le 12 février, et de nouvelles sanctions de l'ONU à l'égard de Pyongyang, la tension est remontée en flèche dans la péninsule coréenne.

Les conditions d'une reprise d'un dialogue sont désormais le thème dominant, après plusieurs jours passés dans la crainte d'un nouveau tir de missile par le Nord, aux alentours du 101e anniversaire de la naissance du fondateur du pays, grand-père du dirigeant actuel Kim Jong-un, le 15 avril.

Le conseiller à la sécurité à la présidence sud-coréenne, Kim Jang-soo, estime que tout tir de missile, s'il y en a, sera dirigé vers la mer de l'Est (ou mer du Japon), entre la péninsule coréenne et le Japon.

L'armée nord-coréenne s'est pour le moment bornée à lancer un ultimatum à Séoul ajoutant que si la Corée du Sud souhaitait vraiment le dialogue et les négociations, «elle devrait présenter des excuses pour toutes les actions hostiles à la Corée du Nord».

Des analystes notent que le thème du dialogue a peu à peu remplacé ces derniers jours les menaces de frappes nucléaires dans la rhétorique, souvent enflammée, de Pyongyang.

«Je ne crois pas que Pyongyang s'attende à ce que ses conditions soient remplies», déclare Yang Moo-Jin, professeur à l'université des Études nord-coréennes à Séoul. «C'est un moyen de montrer sa force au début, dans une lutte acharnée, mais cela signale qu'au final, il y a un désir de dialogue».

Daniel Pinkston, expert sur la Corée du Nord chez International Crisis Group, estime au contraire que Pyongyang n'a aucune intention d'assouplir sa position. Pour le Nord, seule vaut sa reconnaissance en tant que puissance nucléaire, un statut rejeté par Washington et ses alliés, selon l'analyste.

«Alors de quoi parleraient-ils?», s'interroge-t-il. «Le Nord s'est engagé. Il a brûlé ses dernières cartouches. Toute volte-face ne s'effectuerait qu'à un coût immense pour le régime sur le plan intérieur», a-t-il ajouté. «Nous sommes toujours dans une situation qui mène à une collision. Cela ne va pas bien finir».

La nouvelle présidente sud-coréenne Park Geun-hye et le secrétaire d'État américain John Kerry, lors de sa récente visite en Asie du nord-est, ont tous deux souligné qu'une reprise du dialogue ne se ferait que si le Nord «changeait son comportement» et respectait ses obligations internationales, notamment sur son programme nucléaire.

Park Geun-hye avait promis lors de sa campagne électorale d'assouplir la position du Sud vis-à-vis du Nord après des années de politique intransigeante conduite par son prédécesseur. Mais son arrivée officielle à la tête du pays a coïncidé avec le test nucléaire nord-coréen, étouffant dans l'oeuf ses velléités de main tendue.

La veille, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait invité le Nord à «prendre au sérieux» l'offre de dialogue du Sud à propos de l'avenir du complexe industriel intercoréen Kaesong.

Pyongyang interdit aux Sud-Coréens l'accès au complexe, situé sur son territoire à une dizaine de kilomètres de la frontière, depuis le 3 avril. Il en a retiré ses 53 000 employés.