Le carnaval de Rio pourrait être qualifié de véritable rêve pour les moustiques affamés: cinq jours de fête ininterrompue dans les rues rassemblant des millions de personnes, masse invitante de chevilles nues, de jambes découvertes et de torses dénudés. Le virus Zika, qui est notamment transmis par piqûre de moustique, pourrait donc mettre un frein à la débauche.

En dépit des avertissements concernant la nécessité de se couvrir et de s'asperger de chasse-moustiques, plusieurs soutiennent toutefois que les choses se dérouleront comme d'habitude, avec juste une pincée de paillettes et quelques bouquets de plumes. Les pantalons, les chandails à manches longues et le répulsif, affirment-ils, sont contraires à l'esprit hédoniste et débridé du carnaval.

Récession, corruption, chômage: peu de raisons de faire la fête

Les festivités de cette année, qui ont commencé vendredi, surviennent alors que le Brésil a peu de raisons de faire la fête. Le plus grand pays de l'Amérique latine est aux prises avec l'une des pires récessions de son histoire, la présidente Dilma Rousseff est menacée par une procédure de destitution, une enquête sur la corruption au sein de la société pétrolière nationale a causé la chute de personnalités politiques importantes et fait grimper le taux de chômage, et l'inflation fait mal au portefeuille de la classe moyenne.

De plus, il y a Zika, un virus qui a été lié par les chercheurs à une malformation congénitale pouvant affecter le cerveau des foetus et entraîner des problèmes de santé et de développement à long terme après la naissance.

De nombreux Brésiliens font cependant valoir qu'ils sont habitués aux caprices d'une économie en dents de scie, au flot presque incessant de scandales de corruption et aux épidémies de dengue, un autre virus transmis par l'Aedes aegypti, le même moustique qui propage Zika.

Rio, la capitale mondiale du carnaval, a été moins touchée par Zika que le nord-est du pays, une région pauvre où sont concentrés la plupart des cas de contamination et de microcéphalie. Les épidémiologistes ont tout de même prévenu que le mélange de chaleur, de foules et de peau dénudée qui caractérise l'événement était un «cocktail explosif» en ce qui a trait à la propagation du virus.

Les autorités municipales ont donc redoublé leurs efforts contre le moustique, fumigeant notamment le «Sambadrome», lieu des défilés des écoles de samba durant le carnaval. Elles ont également promis d'envoyer des professionnels de la santé aux quelque 500 fêtes de rue, appelées «blocos», qui se dérouleront cette semaine.

L'annonce mardi d'un cas de transmission de Zika par voie sexuelle au Texas pourrait également poser d'autres problèmes durant le carnaval, connu pour sa promiscuité. Les concours pour savoir qui embrassera le plus de gens sont fréquents et les choses vont souvent plus loin que le simple baiser.

L'inquiétude a monté d'un cran, vendredi, lorsque des scientifiques de l'institut de recherche brésilien Fiocruz ont annoncé avoir découvert le virus dans des échantillons de salive. Le directeur de l'institut, Paule Gadelha, a recommandé aux femmes enceintes d'adopter une attitude très peu carnavalesque en se contentant d'embrasser uniquement leur partenaire régulier.